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Non, le gouvernement ne donne pas plus d'argent aux réfugiés qu'aux aînés

Ne nous le cachons pas: il y a sur internet toute une panoplie de tentatives de désinformation dans le but de faire basculer l’opinion publique contre l’accueil de réfugiés.

Certaines de ces tentatives sont plus crasses que d’autres, certaines sont plus vicieuses que d’autres, mais toutes témoignent d’une malhonnêteté intellectuelle avérée qui ne sert qu’à faire valoir une opinion émotive, peu importe ce qu’en dit la logique (ou la réalité).

Cette publication Facebook, qui circule depuis 2014, mais qui a refait surface dernièrement, est une tentative tout à fait insidieuse de désinformer, tout en ayant l’air compatissant:

«Le gouvernement fédéral n’a pas de cœur pour ses propres citoyens âgés […] Incroyable ! ($ 29,640.00) par année pour chaque réfugié au Canada) et vous n’êtes pas obligé de travailler», peut-on lire.

«Et nos vieux originaire d’ici avec la pension de $12,144.00 par année JE NE PEUX PAS CROIRE!!! C’EST ABHERRANT!! LISEZ PLUS BAS! quelle écoeuranterie voila pourquoi on n’aime pas l’immigration ,,,,,,,, »
(Points bonus pour l’usage créatif de l’orthographe et de la ponctuation).

Le lien qu’on tente de faire est clair: le gouvernement dépense moins d’argent pour chaque aîné qu’il n’en dépense par réfugié. Alors pourquoi accueillerions-nous des réfugiés?

C’est logique, non?

Non.

L’inspecteur viral ne fera pas semblant de comprendre comment fonctionne dans ses moindres détails l’économie du pays. C’est pourquoi il a fait appel à Philippe Hurteau, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

Son constat: «Il faut rappeler qu’on parle de choses qui n’ont pas de lien une avec l’autre. Ça donne l’impression qu’il y a quelque chose de logique, mais ce ne l’est pas. C’est une rhétorique fallacieuse et mensongère.»

Oups.

«Du côté du coût d’accueil des réfugiés, je ne sais pas du tout comment ils arrivent à ce chiffre [de 29 000$]. On laisse penser qu’un réfugié arrive au Canada et que, du coup, on lui remet un chèque de 29 000$. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne», explique M. Hurteau, en rajoutant que le cout de la subvention pour une FAMILLE de réfugiés (et non pas un individu) atteint quelque 25 000$ par année.

De plus, cet argent ne leur est pas remis, mais sert plutôt à défrayer notamment leur coûts d’accueil, d’hébergement, de transport et de francisation. «Les montants pour les subventions de soutien donnés aux réfugiés, pour une période limitée – et ça, c’est une autre chose, on laisse penser que c’est éternel – on parle de 708$ par mois maximum par individu, dont 8500$ par année. On est très loin d’un chèque de 29 00$ par année», laisse-t-il tomber.

En ce qui a trait aux aînés, il faut faire un peu de gymnastique intellectuelle pour affirmer que le gouvernement ne leur accorde que 12 000$ par année. «Ce 12 000$ là, ce n’est que l’argent du gouvernement fédéral, ça ne compte pas que la majorité de nos aînés ont des revenus de pension de la Régime des rentes au Québec, ou de leur fonds de pension privée de leur employeur, ou de leur épargne personnelle, avance-t-il. Ça ne compte pas non plus les services utilisés par nos aînés. Ce sont des gens qui ont bénéficié toute leur vie d’un tissu très large de services publics, de l’éducation à la santé.»

Le bât qui blesse?

Selon M. Hurteau, les soins de santé aux aînés coutent 28G$ ou 29G$ par année au Canada.

Le cout du programme d’aide aux réfugiés au complet: à peine 1G$.

«Dire qu’on sur-subventionne les réfugiés au détriment des aînés, c’est fallacieux comme logique, mais c’est aussi empiriquement faux», conclut-il.

Donc, en résumé: des données obtenues sur Facebook, ça ne vaut pas grand chose. Puis, l’économie, c’est compliqué. On ne peut pas toujours comparer deux chiffres, deux montants, deux statistiques. Alors, avant de cliquer le bouton partage en rageant contre les réfugiés, on prend une grande respiration, OK?

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