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Là où la terre est rouge (1/2)

Photo: Getty Images/iStockphoto

J’ai attendu un certain temps avant d’écrire sur le Pacte pour la transition, surtout parce que je crois qu’il est important de ne pas laisser mourir ce genre de mobilisation et de discussion après quelques jours. J’ai mes critiques à l’égard du Pacte, bien sûr. Je ne pense pas que ça parle totalement aux gens dans les régions ou à ceux qui ne sont pas en mesure de remplir les engagements demandés dans le contrat. Par contre, je trouve que la démarche est quand même légitime, et d’en rire à outrance comme beaucoup l’ont fait relève un peu de la mauvaise foi. J’ai mes critiques aussi parce que je veux que ce genre d’initiatives aient de l’impact. Dans les communautés autochtones isolées du Nord, nous sommes spectateurs des changements climatiques et je pense que les signataires de ce contrat ont aussi la responsabilité de se renseigner sur ce que nous vivons.

L’an passé, j’ai rencontré Janice Grey, la vice-mairesse d’Aupaluk, alors qu’elle nous accueillait, mon père et moi, dans sa communauté d’environ 200 personnes. À 29 ans, Janice en est à son deuxième mandat à la mairie. Elle est aussi directrice générale de la coop locale. Aupaluk est une communauté isolée de la région de la baie d’Ungava, au Nunavik. «Tout le monde rit d’Aupaluk, mais c’est un endroit magnifique et il y a plein de choses à faire, à l’année longue. Nous récoltons notre propre nourriture: baies, champignons, plantes, poissons, phoques et caribous. Il fait bon vivre ici», me dit-elle. Je la vois aussi parfois sur Instagram aller ramasser des moules durant les marées basses. Vous comprendrez alors que la vie dans cette communauté est étroitement liée à la santé du territoire.

«Je veux être présente pour ma communauté, surtout à cause de l’industrie minière qui rôde aux alentours comme le Boogeyman.» Oceanic Iron Ore souhaite ouvrir une mine à seulement 10km de la communauté et un port de l’autre côté de la baie où elle se trouve. Ça, on va y revenir plus tard. Janice me dit que, cet été, la toundra était si sèche qu’elle s’effritait sous ses pieds. Les rivières n’ont pas atteint le même niveau que d’habitude et les poissons ont eu du mal à retourner dans les lacs, ce qui va affecter la pêche hivernale. Elle est très ferme sur la question: les changements climatiques tuent les Inuit. Plusieurs chasseurs tombent sous la glace alors que tout devrait être normalement assez gelé. Son ami a perdu la vie, car un énorme iceberg s’est détaché d’un glacier. On fait le même genre d’observations sur mon territoire, et chaque année ça empire.

Près de 90% du territoire de ma communauté a été coupé ou fragmenté, donc je me vois mal planter des arbres comme me le suggère le contrat du Pacte pour la transition. Par contre, cet engagement-là, je vais le remplacer. Dans les prochaines semaines, je dédierai donc mes chroniques à l’environnement et à des communautés qui, comme Aupaluk, se sentent trop souvent invisibles, et pour qui les effets des changements climatiques sont une claque sur la gueule quotidienne. Comme Janice le dit: «Nous voulons être vu comme un peuple ayant un futur, pas comme une relique du passé.»

Retrouvez la seconde partie de cette chronique ici.

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