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Cinq choses qui mettent davantage en péril la laïcité de l’État que la kippa de ton docteur

Photo: Getty Images/iStockphoto

J’entends souvent le raccourci intellectuel selon lequel si on est contre la charte des valeurs québécoises, on est forcément contre la laïcité. Je pourrais me pencher dans cette chronique sur le moment où les gens qui optent pour de tels raccourcis ont lâché prise sur la profondeur de leurs réflexions. Je me contenterai simplement d’expliquer qu’il est possible de s’opposer à la charte proposée par le Parti Québécois en exigeant encore plus de laïcité dans l’État, en exigeant autre chose, au fond, qu’une laïcité d’apparence. Et puisque vous aimez les listes, je vous ai préparé une liste de cinq menaces à la laïcité de l’État que la charte de Drainville n’aborde absolument pas.

1. Les crédits d’impôt et subventions aux organismes religieux

À titre d’organismes de bienfaisance, l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours tout comme la Mosquée Assuna ont droit à de généreux crédits d’impôt. N’y aurait-il pas moyen de s’objecter à ce que l’État finance ces organisations qui ne respectent pas l’égalité homme femme?

2. Le financement des écoles confessionnelles

Si la charte des valeurs québécoises est adoptée, une musulmane qui porte le voile ne pourra s’intégrer dans une école du réseau public, mais pourra donner ses cours dans une école privée confessionnelle subventionnée par l’État, où il pourra aussi être enseigné que l’homosexualité c’est mal et que les femmes doivent être couvertes de pied en cap. Je sais que le financement des écoles privées est un tout autre débat, mais on conviendra que ceux qui pensent qu’il suffit d’enlever le voile de Fatima pour que l’enseignement au Québec soit laïc se mettent un doigt dans l’œil ou refusent tout simplement de voir le vrai débat.

3. La possibilité de refuser un acte médical pour des raisons de conscience

Si vous lisez le projet de loi 60, vous verrez qu’à l’article 12, on précise que «Les devoirs de neutralité et de réserve ne peuvent avoir pour effet d’empêcher l’application des règles déontologiques prévues par la loi permettant au médecin et au pharmacien de ne pas recommander ou de ne pas fournir des services professionnels en raison de leurs convictions personnelles». Cela veut dire qu’en raison de sa religion, un médecin pourra toujours refuser de prescrire la pilule, d’interrompre une grossesse ou d’effectuer une transfusion sanguine. Par ailleurs, la charte ne prévoit pas renforcer les pouvoirs du collège des médecins pour sanctionner leurs membres qui émettraient des certificats de virginité.

4. Stephen Harper

Bon, vous me direz qu’il est de juridiction fédérale, ce premier ministre, mais quand même, force est de constater qu’il y a péril en la laïcité quand un gouvernement favorise le financement aux ONG à vocation religieuse aux dépends des autres, remet en question le droit à l’avortement, ou nomme un créationniste à la tête du ministère des sciences.

5. Les bondieuseries dans les enceintes démocratiques

Si le projet du PQ est adopté, une fonctionnaire portant le voile devra choisir entre sa foi et son emploi, mais Jean Là Là Tremblay pourra continuer saluer Jésus haut et fort avant ses assemblées municipales – je me ferais un plaisir d’aller jaser d’un défilé de la fierté gaie juste après la petite prière -, le crucifix pourra continuer à «siéger» à l’Assemblée nationale et la chorale du PQ pourra continuer à chanter Gloire à Dieu au plus haut des cieux à la veille de Noël.

En fait, le projet du PQ passe tellement à côté de la laïcité qu’être de mauvaise foi, je serais tentée de croire que son projet ne vise au fond qu’à séduire le vote d’une partie de la population qui ne veut plus voir de kippas, de turbans et de hijabs – ou même d’accommodements déraisonnables contre lesquels on ne peut que s’opposer de toute façon-, mais qui se fout un peu de ce qu’est vraiment la laïcité de l’État ou l’égalité homme femme. Le pire, c’est que ça semble fonctionner.

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