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Les valeurs de mascarade

Ça fait des mois que je m’emploie à dénoncer le projet de charte des valeurs du Parti québécois et ses conséquences sur le climat social au Québec (une montée des manifestations racistes et des chicanes dans nos partys de famille, notamment), mais force est d’admettre que ce projet a réussi une chose : rallier plus de personnes que jamais en faveur de l’égalité hommes/femmes et des droits des LGBT. 

Alors qu’on se disait féministe du bout des lèvres il y a à peine deux ans, on n’a jamais vu autant de monsieur-madame-tout-le-monde se réclamer du féminisme que ces jours-ci, et il est rendu presque aussi cool d’être un allié LGBT que de dire que tu connais Philippe Bond. Le vieux monsieur bourru qui les aurait tous traités de tapettes il y a quatre ou cinq ans est maintenant prêt à accrocher le drapeau gai dans sa fenêtre en appui à la cause.

Je me réjouis bien sûr de voir autant d’appui à l’homosexualité et une telle ferveur en faveur des droits des femmes. Je me questionne toutefois, sans avoir de réponse précise, sur l’authenticité de ces valeurs soudainement si importantes pour le plus grand nombre. J’ai parfois l’impression que cet appui est surtout une réponse à l’archaïsme perçu de certaines sociétés, un moyen de démontrer sa supériorité morale sur les autres, qu’il s’agisse des Russes ou des musulmans. On est tellement mieux, nous, en comparaison à ces barbus qui ne permettent pas à leurs femmes de conduire où à ces Russes qui cassent du pédé à la sortie des bars.

Évidemment, je n’ai aucune façon de démontrer qu’un appui à la cause LGBT ou au féminisme n’est pas sincère, même s’il peut paraître improbable chez quelqu’un qui a traditionnellement perçu ces valeurs progressistes comme une menace à ses repères, à un ordre du monde dans lequel il est confortable. Je n’ai évidemment ni l’autorité ni les moyens d’évaluer leur authenticité. Les doutes surviennent quand les gestes n’accompagnent pas les paroles. Je l’ai vu à quelques occasions. Mais il serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas accorder de légitimité à ces nouveaux convertis qui, peu importe leurs motivations à le faire, ont décidé d’embrasser des causes qui me tiennent à cœur et qui peuvent faire évoluer la société.

Je ne sais pas si ce phénomène a un nom, mais je sais qu’il a un précédant. Durant la Guerre froide, à l’époque du maccartisme et de la chasse aux sorcières, le peintre Jackson Pollock a bénéficié de l’instrumentalisation de penseurs libéraux qui voyaient dans son œuvre non figurative l’expression d’une liberté d’expression inimaginable dans le bloc de l’Est. Cet art démontrait d’une certaine façon la supériorité intellectuelle des américains.

Évidemment, nous sommes heureux aujourd’hui que l’art abstrait ait ainsi bénéficié du soutien de l’élite et que l’un des grands peintres américains ait pu s’épanouir artistiquement. Comme nous sommes heureux que des gens aient découvert en eux l’ouverture nécessaire à l’acceptation de l’homosexualité et de l’égalité hommes/femmes. Si seulement cette bienveillance avait pu survenir sans que ça se fasse sur le dos des minorités…

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