Soutenez

Les candidats vedettes

Pour justifier le bienfondé de sa candidature dans Trois-Rivières, Alexis Deschênes déclarait sans la moindre parcelle de gêne : «à Trois-Rivières, on me connaît. Pendant des années, je suis rentré dans le foyer des gens de Trois-Rivières par le biais de la télévision», ne laissant plus de doute quant au fait que la joute politique soit devenu ni plus ni moins qu’un bête concours de popularité où la notoriété prime sur les compétences.

Sylvie Legault, Martine Desjardins, Lorraine Pintal, Dominique Payette, Sophie Stanké… ceci n’est pas un extrait du bottin de l’UDA, mais une liste de candidates pressenties pour se présenter aux prochaines élections. Bien sûr, le fait que des personnalités soient connues n’enlève rien à la pertinence de leur candidature. Je suis persuadée qu’après avoir dirigé une grande institution culturelle depuis plus de 20 ans, Lorraine Pintal est probablement qualifiée pour s’investir en politique, tout comme l’était Pierre Curzi après avoir présidé l’UDA pendant huit ans.

Mais la notoriété ne devrait jamais influencer seule le choix d’un candidat. Qu’a Sylvie Legault de plus à offrir que sa notoriété, pour prétendre être plus compétente qu’Amir Khadir, candidat de la circonscription qu’elle compte briguer? Son passage comme porte-parole d’une ONG chrétienne controversée? Pour une vision claire de la laïcité, ça commence drôlement.

Évidemment, ce n’est pas à moi d’identifier qui est légitime ou non en politique. Ultimement, c’est au peuple de choisir. Heureusement, le peuple n’est pas si con. Lors des dernières élections municipales, là où on aurait donné gagnante une chaise contre Luc Ferrandez, Danièle Lorrain a échoué. Apparemment, son rôle d’infirmière dans Unité 9 n’a pas réussi à combler ses lacunes : tout au long de la campagne, madame Lorrain refusait de prendre part à des débats, invoquant son «manque de connaissance des dossiers». Mais hein, quelle importance, en politique, de connaître ses dossiers?

Quand on lui a demandé de commenter la possible candidature de l’ex-leader étudiante Martine Desjardins, l’ancien porte-parole de l’ASSÉ Gabriel Nadeau-Dubois a redonné avec justesse les raisons pour lesquelles lui ne se présente pas en politique : «Être connu, ce n’est pas une bonne raison de faire de la politique». Par média interposé, le député péquiste Léo Bureau-Blouin lui a répondu : «Je trouve que c’est des propos qui sont déplorables parce que je trouve que ça renforce le cynisme ambiant autour de l’action politique».

Moi, ce qui me rend cynique, c’est de voir que des partis misent sur la popularité de vedettes pour gagner des votes, sans égard au mérite ou à la compétence. Si je peux me permettre un parallèle artistique, puisqu’on flirt avec le bottin de l’UDA : veut-on qu’il advienne la même chose à la politique québécoise qu’à notre cinéma? Avant la fin des années 80, on finançait les films en fonction de la qualité des scénarios. Le cinéma québécois ne rapportait pas beaucoup d’argent, mais rayonnait à l’étranger. Après avoir connu des succès populaires comme Cruising Bar, les institutions de financement ont réalisé qu’avoir des têtes d’affiches, idéalement des personnalités connues de la télévision, était payant, et se sont mises à ajouter des points à la notoriété dans la sélection des films. Ces nouveaux critères ont tué le cinéma pour enfants (parce que t’es pas une grosse vedette à huit ans) et ont créé des patentes comme Hot Dog. Aujourd’hui, la nouvelle présidente de la SODEC Monique Simard a annoncé vouloir répondre à la «crise du cinéma» en révisant notamment la portée de ces critères. Parce que la notoriété, c’est pas tout.

Sur le cynisme

La semaine dernière, j’ai accueilli froidement la «réflexion» de Martine Desjardins quant à son avenir politique au sein du PQ, soulignant son appui à la Charte des valeurs et son changement de camp concernant les luttes étudiantes. Plusieurs personnes m’ont accusée avec raison de mépriser l’engagement politique, avec tout ce qu’il comporte de sacrifices, et de condamner à l’avance la candidature d’une jeune femme ce qui, sur papier, devrait me réjouir. C’est vrai, dans les faits, je devrais être contente qu’une fille veuille représenter ma génération à l’Assemblée nationale. Mais à quoi bon être représentées par des filles de notre âge si elles ne représentent que les intérêts d’une vieille garde patriarcale? Mais vous avez raison : donnons la chance à la coureuse de nous prouver qu’on peut vraiment changer les choses en politique.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.