Soutenez

Un jeune trans est en fugue et la SQ cherche une fille

Photo: Archives Métro

La SQ a publié vendredi dernier un avis de recherche concernant Matilde*, une adolescente de 17 ans, disparue depuis le 18 mars dernier. Traits distinctifs : un anneau au nez et un tatouage de lune à la nuque. Le hic? Cette description n’a rien à voir avec la personne qui est recherchée, un jeune trans qui s’appelle Mat, qui préfère qu’on utilise les pronoms masculins quand on réfère à lui et dont l’apparence physique correspond plus ou moins à la photo que ses parents ont transmise.

Selon plusieurs de ses amis contactés via Facebook, Mat se considère fluide dans le genre, c’est-à-dire qu’il ne se considère ni comme une fille, ni comme un garçon. Le refus de ses parents de reconnaître son identité de genre serait à l’origine de sa fugue.

«L’avis utilise les mauvais pronoms et le mauvais nom, c’est un crachat dans sa face, a décrié sur Facebook Sophie Labelle, une militante pour les droits des personnes trans, qui connaît personnellement Mat. Je n’ai aucune idée où se trouve Mat, mais je sais qu’il est parti de chez lui parce qu’il ne s’y sentait pas en sécurité – et avec un avis de recherche aussi irrespectueux, je n’ai aucune misère à croire qu’il est davantage en sécurité là où il se trouve qu’à son domicile ou entre les mains de la DPJ».

«Avant de partir, Mat m’a dit qu’il fuguerait, explique un autre ami de Mat, un jeune homme trans qui préfère garder l’anonymat. Il ne se sentait pas bien avec ses parents, qui l’obligeaient à mettre du linge de fille, ce qui lui a fait vivre beaucoup de dysphorie de genre, le malaise qu’on ressent quand on nous identifie comme femme. Ils voulaient l’envoyer en Centre jeunesse ou à Douglas, mais plusieurs jeunes trans y ont vécu de la discrimination», dit le jeune homme, précisant qu’il n’a aucune idée où se trouve son ami en ce moment.

«Dans n’importe quelles structures gouvernementales, comme la DPJ, par exemple, on va refuser l’identité choisie tant que la paperasse n’aura pas été complétée, explique Sophie Labelle. Or, il est plus difficile pour les jeunes de faire reconnaître leur identité, étant donné la précarité dans laquelle vivent un grand nombre de jeunes trans», dit celle qui est passée par là à l’âge de Mat.

À la SQ, le sergent Claude Denis a confirmé que les informations publiées dans le communiqué sont celles qui ont été transmises par les parents. «Cette personne est mineure, elle a des parents, et c’est l’information qui a été donnée par les parents aux enquêteurs. Si cette personne-là était homosexuelle, on ne le dirait pas», a-t-il ajouté.

«C’est une profonde incompréhension de l’identité de genre et des identités trans, rétorque Sophie Labelle, jointe au téléphone. Ce n’est pas de divulguer le statut trans d’une personne que de respecter son droit à l’auto-identification», croit-elle. Pour plusieurs personnes trans, l’utilisation du nom à la naissance et des mauvais pronoms sont d’une très grande violence.

Toute cette histoire semble refléter un scénario récurrent chez les jeunes trans, elle illustre les difficultés et la discrimination que vivent plusieurs d’entre eux. Ces questions ne sont pas à prendre à la légère. La littérature scientifique démontre que le taux de suicide ou d’idéations suicidaire est beaucoup plus élevé chez les jeunes homosexuel(le)s, bisexuel(le) ou trans. Une étude ontarienne publiée en 2013 révélait que 19 % des jeunes trans de 18 à 24 ans avaient tenté de se suicider dans les 12 derniers mois. C’est près de un jeune sur cinq. C’est trop.

«Leelah Alcorn [cette jeune femme trans qui s’est enlevée la vie en décembre dernier], ses parents persistaient à lui faire violence délibérément en s’obstinant à l’appeler d’un nom et de pronoms qui lui faisaient horreur. Elle en est morte», rappelle Sophie Labelle.

Nous n’avons pas joint les parents de Mat, mais ceux-ci, tout comme Mat, sont invités à communiquer avec le Journal Métro pour faire part de leur version des faits.

MISE-À-JOUR: La famille de Mat a communiqué avec le journal Métro. Vous pouvez lire leur version des faits.

* Nous avons pris la décision de ne pas publier le nom complet de Mat étant donné qu’il s’agit d’une personne mineure.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.