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L’économie des corps

On nous dit que les conditions d’entrée en médecine tiennent compte des résultats scolaires des postulants, mais aussi de leurs qualités humaines (capacité à gérer la pression, empathie, altruisme, etc.) décelées chez eux durant leur entrevue d’admission. En considérant comme un échantillon valable de la profession (ce qu’il n’est pas, rassurez-vous) le contingent de médecins qui forment ou ont formé le cabinet Couillard, on serait toutefois tenté d’en douter.

Le rapport au corps que semblent entretenir ces médecins, qui sont à l’apex de notre province, n’inspire pas l’empathie. Il donne plutôt à croire que pour eux, tant que le corps survit, il n’y a pas péril en la demeure. Or, un corps réclame davantage que de ne pas être en danger. Il commande d’être respecté dans toute son intégrité.

Pour l’ancien ministre Yves Bolduc, la fouille à nu d’une élève soupçonnée de possession de drogue par le personnel scolaire n’avait rien d’alarmant. Peut-être faut-il y voir la banalisation, pour un médecin, du fait de voir des corps nus, qui lui permet d’avoir une attitude totalement froide et détachée. Pour l’actuel ministre de la Santé, Gaétan Barrette, un bain par semaine à la débarbouillette ou, si on est chanceux, un bain complet, c’est acceptable. On apprenait en effet la semaine dernière l’existence d’un marché noir du bain dans certains CHSLD, où un bain de qualité supérieure se paie en argent sonnant.

Évidemment, ce marchandage auprès de personnes vulnérables est inquiétant pour plusieurs raisons. On rapporte que certains préposés aux bénéficiaires négligeraient le bain officiel de façon à s’assurer de mieux vendre leur bain en dessous de la table. Il y a quelque chose de déroutant, c’est le moins qu’on puisse dire, dans le fait que la dignité puisse être ainsi négociée. Dans un système de soins de santé public et universel, tous ne sont-ils pas en droit de recevoir les mêmes traitements gratuitement? Mais surtout, cette triste réalité ne révèle-t-elle pas qu’un bain par semaine, c’est trois bains en deçà de la simple humanité?

Pas selon le ministre Barrette, pour qui un bain par semaine est une «norme jugée adéquate». Maintenant qu’on a appris que des bénéficiaires de CHSLD se payaient des bains au noir, il n’y aura pas plus de bains. On exercera tout simplement une plus grande surveillance pour qu’il n’y ait plus de bains au noir.

C’est avec cette économie de pensée qu’on gère à peu près tout ce qui concerne le corps dans ce gouvernement. C’est ainsi qu’on pense l’accès à l’avortement, qu’on semble voir comme un caprice. C’est ainsi aussi qu’on pense le corps des femmes de plus de 42 ans, à qui on interdira carrément bientôt la fécondation in vitro, mettant tous les corps de femmes de cet âge sur un pied d’égalité. C’est ainsi qu’on pense le corps des personnes en fin de vie, des malades avec de petits et de gros bobos, des femmes, des enfants. On laisse nos corps entre les mains de gens qui pensent qu’un bain à la débarbouillette, c’est bien correct.

 

Mise à jour: L’attachée de presse du cabinet Barrette m’a appelée ce matin pour préciser que les bains à la débarbouillette sont donnés entre les «vrais bains».

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