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Droit de réplique

Photo: Yves Provencher/Métro

J’ai eu du mal à trouver les commentaires désobligeants envoyés à Mariana Mazza suite au doigt d’honneur qu’elle a envoyé à Mike Ward et Sugar Sammy lorsque ce dernier l’a comparée à un handjob. J’ai été davantage témoin des réactions de Mike Ward et de Mariana Mazza aux commentaires, que des commentaires eux-mêmes, et Dieu sait que je scrute à la loupe les commentaires qui sévissent sur l’internet. Mais, bon, fallait-il vraiment s’étonner que le finger d’une jeune femme dérange? Non.

C’est finalement au bas d’un article du Journal de Montréal que j’ai pu recenser le plus de réprimandes à l’égard de Mazza. Ça non plus, fallait pas vraiment s’en étonner. Des gens qui la trouvent «vulgaire», «ado», et qui formulent des recommandations bienveillantes à l’égard du jeu de l’humoriste: «Mariana Mazza doit apprendre à moduler ses interventions». J’ai corrigé les fautes pour la forme.

Je ne suis pas certaine que ces gérants d’estrade se rendent compte du sexisme qui sous-tend leur intervention et je suis même persuadée qu’ils vous diraient qu’un «fuck you», c’est vulgaire, que ça vienne d’une fille ou d’un gars. La vérité, c’est qu’aucun d’entre eux n’aurait dit quoi que ce soit si on avait inversé les rôles. Ce qui en a choqué plusieurs, en fait, c’est qu’une fille réplique à l’insulte. C’était de l’humour, bien sûr. Quelle aurait pu être l’alternative? Qu’elle sourie sagement? Qu’elle rie béatement de la blague de l’homme qui venait de la comparer à la sensation d’une main secouant son pénis trop longtemps?

La doigt d’honneur de Mariana Mazza dérange parce qu’il va à l’encontre de ce qu’on attend d’une fille sage. Et heureusement, Mariana Mazza n’est PAS sage. Elle n’hésite pas à remettre ses collègues à leur place, en dépit des dynamiques de genre qui pourraient l’inciter à faire le contraire.

Quelles sont ces dynamiques qu’on affuble du lourd nom de patriarcat, qui semble si souvent exagéré? Je vous en donne un exemple: une journaliste commente en direct la victoire d’un club de football lorsque soudainement, un joueur l’attaque d’un baiser qui soulève l’hilarité de ses camarades (et du commentateur de TVA Sports). Quelles options s’offrent à la journaliste? Rire et faire semblant de trouver ça l’fun pour rester dans le registre cute, ou répondre, faire un malaise et passer pour une personne sans humour, craindre de ne plus être rappelée par TVA parce qu’on a mal géré un direct? Sous le coup de l’adrénaline, la journaliste a une seconde pour faire son choix et je ferais probablement le même: rire malgré le désagrément et la frousse suscités par le «petit bisou».

Shauna Hunt, après avoir vécu la chose probablement trop de milliers de fois, a pris son courage à deux mains et a répliqué à ses agresseurs, intelligemment et calmement. «Lorsque vous parlez dans mon micro et que vous vous adressez à mes téléspectateurs, via ma caméra, vous me manquez de respect et c’est dégradant pour moi», a-t-elle répondu à une bande de supporters dont l’un a proposé de lui «défoncer la ch***e» (traduction libre). La vidéo a fait le tour du web, et, résultat, l’un des champions a perdu son emploi à Hydro One.

Cette peine peut paraître exagérée (ne vous en faites pas, d’ardents défenseurs de la culture du viol sont déjà en train de militer à cet égard). Mais pas si exagéré que ça, compte tenu du fait que l’homme argüait que «tout le monde le fait» [harceler sexuellement des reporters en direct à la télé]. Ce sentiment d’impunité devant un geste à caractère criminel et, de l’aveu même du coupable, un geste répandu, mérite certainement des peines exemplaires.

Lire aussi le billet de l’Inspecteur Viral sur la question: #FHRITP: la fausse vidéo virale à l’origine d’une «farce» sexiste très répandue

Mais ce qui m’étonne le plus, dans tout ça, c’est non seulement le courage de cette femme d’avoir affronté ses agresseurs, mais aussi le soutien de la chaîne City, qui n’a pas hésité à diffuser l’extrait et à le rediffuser, à le commenter et à en profiter pour faire des topos concernant le harcèlement des journalistes. Je ne suis pas certaine que toutes les chaînes auraient assumé un tel malaise.

Ce qui m’étonne moins, c’est la vitesse à laquelle certains se sont empressés sur les réseaux sociaux de préciser que ce genre de situation arrivait à tous les journalistes sans égard à leur genre. Rapidement, des milliers de personnes ont ressenti le besoin de rappeler que les hommes souffrent aussi. D’autres nous ont fait remarqué que ces fans n’étaient que des idiots et que tous les hommes ne sont pas comme ça. Ah oui? Vraiment? Merci de l’info.

Chaque fois qu’une femme répliquera, il y aura des sceptiques. Et chaque fois qu’une femme n’acceptera pas sagement de se faire insulter, il y en aura pour dire que c’est vulgaire. Même lorsque c’est pour participer à la blague. Surtout, en fait, si c’est pour participer à la blague. Et en ce sens, le doigt d’honneur de Mariana Mazza est peut-être le seul doigt d’honneur qui mérite vraiment d’être appelé doigt «d’honneur».

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