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À la table des belles-sœurs

bandeau nostalgieAprès avoir été au centre d’une pièce de théâtre, de romans et d’une comédie musicale, c’est autour de la table que l’on retrouve Les belles-sœurs de Michel Tremblay.

Sandwichs «pas d’croûtes» au jambon haché, chapeaux de baloney, sauce au thé, blanc-manger… Voilà des références culinaires que l’on retrouve dans le livre Ainsi cuisinaient les belles-sœurs dans l’œuvre de Michel Tremblay, écrit par Anne Fortin. Le titre aurait tout aussi bien pu être Ainsi cuisinaient nos grands-mères, puisque, dans cet ouvrage, on se retrouve certes dans l’œuvre de Michel Tremblay, mais aussi dans les cuisines des Québécoises de la première moitié du XXe siècle.

Le déclic s’est fait en lisant La grosse femme d’à côté est enceinte. Elle a découvert l’importance de la cuisine dans l’oeuvre de Tremblay et, dit-elle, ce livre-là s’est imposé à elle. Carrément.

«La volonté de rendre au peuple sa langue lui a aussi permis, à son insu peut-être, de lui rendre sa cuisine.» –Anne Fortin, en conclusion de son livre.

À travers les familles Desrosiers et Tremblay donc, toute l’histoire culinaire du Québec des années 1913 à 1963 est racontée. C’est ce que l’auteure Anne Fortin a mis en lumière en épluchant minutieusement les huit tomes de la Diaspora des Desrosiers et les six tomes des Chroniques du Plateau-Mont-Royal et en extrayant plus de 400 passages reliés à la table, dont quelque 150 ont trouvé une place dans le livre.

«J’avais un désir de parler de notre histoire culinaire, raconte l’ethnologue de formation, qui dit s’intéresser à comment vivent les peuples, dont le nôtre. Il y a une sorte de nourriture qu’on a complètement mise de côté, dont on ne veut pas se souvenir, mais, elle existe. Et à travers des personnages, mis en scène [dans les livres de Michel Tremblay], ça passe tellement mieux.»

Bien qu’elle se défende bien d’avoir fait un travail sociologique, c’est toute une époque et ses particularités que l’on retrouve à travers des extraits des romans et des recettes anciennes tirées de La bonne cuisine canadienne et autres manuels de la ménagère.

Ce n’est pas par nostalgie que l’auteure a voulu faire ce livre, mais par souci de transmission. «Si c’était nostalgique, ça serait plus enrobé. Pour moi c’est juste la réalité, dit-elle. [C’est vraiment comme ça que mangeaient les gens à cette époque-là]. Pour faire manger douze personnes, trois fois par jour, il fallait être créatif, ratoureux. Ils mangeaient beaucoup d’abats, des ragoûts, des plats bouillis.»

Ce retour en arrière, en plus de donner un bel objet, aura aussi permis à Anne Fortin de constater tout le chemin parcouru depuis 1963, année où s’arrête la saga de Tremblay.
«Dans le monde des livres de recettes, il y a deux prix importants, explique celle qui tient les rênes de la Librairie gourmande du Marché Jean-Talon depuis dix ans. Et l’an dernier, ils ont tous deux été gagnés par deux chefs du Québec: Normand Laprise pour le livre Toqué! et Martin Picard pour son livre Cabane à sucre. Et il y a 50 ans, on mangeait des galettes à la mélasse, du baloney et du cœur de bœuf. Je suis convaincue qu’il n’y a pas un peuple qui a avancé autant que nous.»

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Ainsi cuisinaient les belles-sœurs dans l’œuvre de Michel Tremblay

Flammarion Québec

 

 

La nourriture, source de nostalgie
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Quels sont vos souvenirs d’enfance reliés à la nourriture?
Je pense au chocolat chaud, aux aliments que j’aimais manger. Mais c’était une alimentation assez uniforme, routinière. Le vendredi, on ne mangeait pas de viande, on mangeait toujours un pâté au saumon. Le dimanche, toujours un poulet. Alors la semaine, on mangeait quelque chose avec les restes de poulet.
Mes souvenirs sentent bons. Michel Tremblay le dit: «Moi quand j’écris, il faut que ça sente bon».

Pourquoi est-ce que la nourriture suscite autant d’émotions?
C’est ce qui est le plus dans notre mémoire, les odeurs, les goûts, les saveurs. Le goût reste en mémoire. On peut se comprendre à travers la cuisine. C’est merveilleux!

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BOUFFE_femme fait beignes_c100Conservatrice de l’histoire culinaire du Québec

Anne Fortin travaille depuis plusieurs années sur un projet qui verra le jour sous peu à l’École des métiers de la restauration et du tourisme de Montréal: le Conservatoire culinaire du Québec. Tous les livres de recettes anciens, de 1854 à aujourd’hui y seront répertoriés. «Ce sera un lieu de travail, un lieu de diffusion, explique Mme Fortin. Un lieu hypermoderne qui contiendra notre histoire culinaire. On se rend compte qu’il y a un besoin. Il faut connaître nos racines, c’est essentiel.»

Elle invite d’ailleurs toute personne qui aurait des livres ou autres objets reliés au patrimoine culinaire du Québec à communiquer avec elle.

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