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Tisser l’espoir, un fil à la fois

Photo: Yves Provencher/Métro

Une fois par mois, Métro propose, en collaboration avec le projet Alliés Montréal de la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ), des portraits inspirants de Montréalais issus de l’immigration qui témoignent de leurs parcours et de leurs succès.

À Boston, Lis Suarez Visbal menait une vie tranquille. Elle avait une bonne situation professionnelle en finance, avec un salaire intéressant. «J’avais une vie, mais je me sentais toujours un peu vide.» Puis, un long séjour de coopération internationale en Thaïlande lui ouvre d’autres perspectives, qu’elle choisit d’exploiter à Montréal.

Dans la petite salle de formation qui jouxte sa boutique de la rue Saint-Hubert, Lis raconte avec assurance le parcours qui l’a menée de la Colombie au Québec. De son père, avocat à Bogota, elle dit qu’il a choisi «le camp de ceux qui étaient dans le besoin, alors qu’il aurait pu œuvrer auprès de grandes entreprises privées». De sa mère, elle a hérité la volonté d’entreprendre. Trois années dans le milieu de l’investissement bancaire ont fait le reste. «Travailler avec des chiffres a été une très bonne expérience pour savoir ce que je ne voulais pas faire dans la vie!»

Lors d’un séjour à Mont­réal, alors qu’elle habite encore Boston, où elle s’est installée pour des études en administration et en finance à Harvard, Lis a un coup de cœur pour l’ouverture et la diversité multiculturelle qu’elle y trouve. Elle dépose une demande de résidence permanente, résolue à s’y installer. Quand elle s’envole pour la Thaïlande avec une organisation non gouvernementale, elle sait déjà que c’est ici, à Montréal, et non pas à Boston, qu’elle posera ses valises en rentrant.

À la base, ce départ pour l’Asie est une démarche personnelle qui doit lui permettre de réfléchir à ce qu’elle veut faire de sa vie. Chargée de développer un volet de formation auprès de jeunes filles sortant de la prostitution, elle comprend que l’entrepreneuriat peut être envisagé comme un moyen plutôt que comme une fin. «Je rencontrais des filles qui s’en sortaient en créant des produits et en les commercialisant. L’entrepreneuriat permet de révéler des compétences inexploitées.» L’idée de Fem Internationale – Éthik BCG (pour boutique, centre d’affaires, formation), l’entreprise d’économie sociale que Lis dirige aujourd’hui à Montréal, est née là-bas, de ces rencontres.

Fibre altruiste et conscience sociale obligent, ses activités ont pour colonne vertébrale des valeurs humanitaires. Les différents volets de son organisation sans but lucratif (formation à l’entrepreneuriat social, développement d’un réseau international de femmes et vente de produits éthiques) convergent vers un objectif: «L’autonomisation des femmes d’ici et d’ailleurs grâce à l’industrie socio-éco-responsable.» Naturellement, c’est vers l’industrie de la mode que Lis s’oriente : «Les trois quarts des travailleurs de ce milieu sont des femmes. Créateur ou consommateur, nous sommes tous liés à l’industrie textile. On voit le produit fini sans penser au processus de fabrication, à ce que ça implique humainement, socialement, et écologiquement.»

Alors qu’elle était en démarrage d’entreprise, Lis faisait des démarches qui la ramenaient constamment à l’économie sociale. Elle a débroussaillé le chemin: à l’époque, en 2005, elle trouvait des programmes d’aide pour les femmes, ou pour les immigrants, ou pour le démarrage d’entreprise en économie sociale. «Rien qui alliait les trois», s’amuse-t-elle. Elle saisit toutes les perches qui se présentent, provoque les choses et fonde son entreprise à force de détermination, avec deux autres partenaires.

Aujourd’hui, Lis voudrait voir l’économie sociale être mieux promue auprès des immigrants. «C’est un secteur d’activité méconnu auquel on associe à tort l’idée de précarité. Il permet pourtant de tisser un réseau, et son potentiel de développement économique est bien réel.» Sa feuille de route, parsemée de reconnaissances et d’engagements remarquables, en fait la preuve.

L’émission de Radio-Canada International Tam-Tam Canada a produit une version radio de ce reportage. Réalisée par la journaliste Anne-Marie Yvon, cette dernière est disponible sur le site de RCI (rcinet.ca/francais).

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