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Dr Yves Lamontagne: «Les médecins doivent arrêter de se plaindre»

Photo: Christelle Coulombe

L’ancien président-directeur général du Collège des médecins, le psychiatre Yves Lamontagne, n’a pas la langue dans sa poche et il n’a pas peur d’écorcher ses confrères. Dans son court essai intitulé L’enfer du système de santé, en librairie mercredi, Dr Lamontagne pose un diagnostic sur les maladies du système québécois, analyse les solutions actuellement sur la table et propose ses propres remèdes.

Dans votre livre, vous faites plusieurs recommandations pour améliorer le système de santé. Si vous aviez à en choisir une, laquelle ce serait?
Il faudrait d’abord revoir complètement l’organisation du travail. Par exemple, les services de première ligne sont mal organisés. J’ai en tête l’histoire d’une amie dont le fils s’est fendu l’arcade sourcilière en recevant un bâton de hockey dans le visage pendant une fin de semaine. Elle s’est rendu à quatre cliniques sur la Rive-Sud, qui lui ont toutes dit qu’il n’y aurait pas de médecin avant lundi matin. Après six heures d’attente à l’urgence, son fils est ressorti avec cinq points de suture, ce qui auraient pu être fait dans n’importe quelle clinique. Vous ne pensez pas que les cliniques pourraient s’entendre pour ouvrir une fin de semaine sur quatre et instaurer un numéro commun qui puisse diriger les citoyens de la région vers le bon endroit? Non, tout le monde est fermé! Ce n’est pas comme ça qu’on va se faire aimer de la population.

Quel rôle doivent jouer les médecins dans cette réorganisation?
Ils doivent se poser des questions et trouver des solutions au lieu de se plaindre et de passer des publicités à la télévision. Les médecins ont une importance capitale parce qu’ils prennent des décisions fondamentales pour la santé des patients. Mais jusqu’à récemment, la seule chose que les médecins, autant les spécialistes que les omnipraticiens, ont défendu, c’est leur argent. On est parmi les gens les mieux payés au Québec et on vient dire qu’on n’est pas assez payés, alors qu’il y a des gens qui crèvent de faim? Il faudrait être un peu plus présents au niveau social, s’impliquer davantage dans des causes humanitaires, donner du temps gratuitement.

Quel est votre avis sur le projet de loi 20, qui veut imposer des quotas de patients aux médecins de famille?
J’ai certaines réserves par rapport au projet de loi 20. On peut dire que les médecins doivent voir 1500 patients. Mais certains patients ont besoin d’une consultation de cinq minutes, alors que d’autres en ont besoin de 30. Comment coter les patients? Imaginez la comptabilité que les médecins vont devoir faire. Ça augmenterait la bureaucratie, alors que le ministre veut plutôt la diminuer.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a proposé plusieurs solutions pour éviter l’imposition de quotas prévue par le projet de loi 20. Peuvent-elles être efficaces?
Oui, bravo à la FMOQ, qui ont finalement offert des solutions. Ils parlent de l’informatisation des dossiers médicaux, qui n’est pas complétée et qui serait très importante. Ça sauverait bien du temps aux médecins, parce qu’ils verraient tout de suite les résultats d’analyses de laboratoires, des rayons X et des consultations avec les spécialistes. Ils parlent aussi de collaboration avec les autres professionnels de la santé comme les infirmières. Les infirmières pourraient faire certaines tâches pour réduire celles des médecins, ce qui leur permettrait de voir plus de patients ou de les voir mieux.

«Au Québec, il y a 100 389 employés non soignants dans le réseau de la santé pour 8 millions d’habitants, alors qu’en Suède, il y en a 36 460 pour 9,4 millions d’habitants. Pourtant, ça fonctionne très bien en Suède.»

Vous croyez également qu’il faudrait revoir les conventions collectives dans les établissements de santé et permettre plus de souplesse et d’initiative…
L’exemple que je donne souvent, c’est que le gars qui pèle les patates n’a pas le droit présentement de donner un coup de main à la vaisselle. Cette séparation trop rigide des tâches empêche les gens d’avoir de l’initiative et ça engendre un manque de productivité. Un autre exemple? Mon père est décédé aux soins palliatifs à l’Hôpital Notre-Dame il y a quelques années. Il a un jour demandé à une préposée de rapprocher son plateau de nourriture. Elle lui a répondu que ce n’était pas sa tâche et qu’il fallait demander à l’infirmière!

Quelle serait la deuxième recommandation que vous mettriez de l’avant?
Ce serait de regarder les nouvelles façons de financer le système. Il y en a une qui fait toujours trembler tout le monde, c’est de louer les salles d’opération et les laboratoires de biochimie des hôpitaux le soir et la nuit pour des interventions du secteur privé, comme la chirurgie esthétique. Ces salles sont bien souvent fermées 18 heures sur 24. On pourrait faire du profit et le réinvestir dans l’hôpital.

La plupart des acteurs du réseau de la santé semblent s’opposer aux projets de loi du ministre de la Santé et ont déploré le manque de consultation . Vous croyez de votre côté que l’attitude cowboy de Gaétan Barrette est peut-être nécessaire?
Faire de la consultation, je suis le premier qui est d’accord avec ça. C’est mieux de s’entendre que d’imposer. On a beaucoup parlé par le passé. Mais à un moment donné, il faut prendre des décisions. Il y a eu des consultations en commissions parlementaires sur ces projets de loi. Après, il peut y avoir des ajustements qui prennent compte des diverses opinions. J’ai notamment l’impression que le ministre va reculer sur certains aspects sur projet de loi 20.

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