Une reporter réplique aux obscénités à son micro
TORONTO – Un homme que l’on peut entendre, dans une vidéo, lancer des obscénités à une journaliste de Toronto pendant un reportage télévisé a été congédié par son employeur, Hydro One.
Sans le nommer, la société ontarienne de transport d’électricité a indiqué mardi qu’elle avait congédié l’un de ses employés qui a enfreint le code de conduite de l’entreprise. Des informations glanées sur les médias sociaux avaient auparavant permis d’identifier l’un des jeunes hommes apparaissant dans la vidéo virale comme étant Shawn Simoes, d’Hydro One.
Lui et un ami avaient été enregistrés par la caméra de la reporter de CityNews Shauna Hunt, alors qu’elle était affectée à la couverture du match de soccer à Toronto, dimanche soir. Pendant qu’elle interviewait des amateurs à la sortie du stade, un homme est venu s’interposer dans la conversation sportive pour lancer, à son micro, un commentaire vulgaire et sexiste. Un autre homme — l’employé d’Hydro One congédié — ajoutera plus tard ses propres commentaires déplacés.
Nullement décontenancée — habituée, a-t-elle dit, à cette «pratique» —, Mme Hunt a interrompu la conversation avec son interviewé et s’est tournée vers un groupe de jeunes hommes derrière elle, amusés par toute la scène ou attendant leur tour pour imiter la star d’un soir. La suite, captée par la caméra de CityNews et diffusée plus tard en ondes, est devenue virale sur les médias sociaux.
Mme Hunt demande calmement à ces jeunes hommes ce qui peut bien les pousser à injurier des femmes de la sorte. Les hommes, ainsi rattrapés par leur sens de l’humour, tentent alors de se dépêtrer des questions de la reporter — «est-ce que la caméra tourne vraiment?», s’inquiète soudainement le principal intervenant.
Mme Hunt explique alors qu’elle est interpellée de la sorte «tous les jours, 10 fois par jour, par des grossiers personnages comme vous».
«Lorsque vous parlez dans mon micro et que vous vous adressez à mes téléspectateurs, via ma caméra, vous me manquez de respect et c’est dégradant pour moi», dit-elle au jeune homme, un moment penaud.
Elle leur demande ensuite ce que leur maman penserait d’une telle conduite — c’était, après tout, la fête des Mères ce jour-là.
L’autre — l’employé d’Hydro One — lance alors que leur mère les aurait trouvés, en fait, «drôle à mourir». Il lui dit ensuite qu’elle peut se compter bien chanceuse: «en Angleterre, on vous aurait mis un vibrateur dans l’oreille! C’est comme ça qu’on fait tout le temps là-bas. C’est fantastique, et je respecte ça!».
Dans un communiqué, le directeur des opérations à Hydro One, Daffyd Roderick, écrit que «le respect envers autrui est inscrit dans notre code de conduite et dans nos valeurs profondes, et nous sommes déterminés à offrir un milieu de travail exempt de toute discrimination ou harcèlement».
Plusieurs messages sur les médias sociaux ont aussi identifié l’autre homme, qui serait à l’emploi de Cognex, entreprise de systèmes de vision et d’identification industrielle. Une porte-parole de l’entreprise a affirmé que les propos exprimés dans la vidéo étaient «répréhensibles» et contraires aux valeurs de Cognex.
«Nous ne pouvons pas commenter publiquement les affaires concernant les employés, mais nous abordons cet enjeu avec sérieux et nous nous y attarderons», a dit par communiqué Sarah Laskowski.
En entrevue mardi, Mme Hunt a confié qu’elle n’avait pas prémédité sa «sortie» mais que l’indicent de dimanche avait été la goutte qui a fait déborder le vase, après presque un an de harcèlement constant. «J’avais atteint ma limite, et je me devais de réagir», a-t-elle expliqué au téléphone. «Ça arrive presque tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, et pas seulement à moi: à tous les journalistes.»
Cette mode hante en effet depuis plus d’un an les reporters qui «font du direct», d’abord aux États-Unis puis au Canada.
La tendance a été dénoncée par la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, qui a qualifié, sur Twitter, l’incident de CityNews de harcèlement sexuel en milieu de travail. Mme Wynne a d’ailleurs félicité la direction de CityNews pour avoir diffusé la scène.
Par ailleurs, les polices de Calgary et de Toronto ont déjà prévenu que ces perturbateurs pourraient être accusés au criminel.
Une porte-parole de la police de Toronto a affirmé mardi que le corps policier était en contact avec la Couronne, mais ne pouvait pas amorcer une enquête sans une plainte formelle.
Les propriétaires du club de soccer Toronto FC ont indiqué de leur côté que si on parvient à identifier les perturbateurs, ils seront bannis à vie des matchs de l’équipe. L’organisation a aussi offert une sécurité accrue aux femmes journalistes qui couvrent les matchs.