Un panneau interdisant de flâner dans les rues et les parcs de Montréal-Nord est accroché à l’entrée de l’aréna Henri-Bourassa. L’arrondissement reconnaît un règlement vieillot et promet de le retirer après la grogne de plusieurs citoyens.
Serait-il interdit de «se promener sans but, au hasard, pour le plaisir de regarder», ou de «paresser, perdre son temps» dans les rues et les parcs de Montréal-Nord, si l’on se fie à la définition du verbe «flâner» issue du Larousse ?
Un panneau accroché devant l’entrée de l’aréna Henri-Bourassa, juste à côté de la loge du gardien, le suggère. «Il est défendu de flâner sur les trottoirs, sur les rues, ou dans les parcs ou places publiques de la ville», y est-il indiqué, avant une signature mentionnant l’arrondissement de Montréal-Nord.
Depuis quelques jours, la photo de ce panneau enflamme les réseaux sociaux, avec des centaines de commentaires de citoyens étonnés. Certains pensaient à une blague, d’autres s’interrogeaient avec ironie sur le rôle d’un parc et d’une place publique.
Mais ces mots n’ont rien d’une farce. Ce texte est issu de l’article 13 de «l’ordre général de la ville», adopté en mai 1990 par l’ex-maire Yves Ryan avant d’être renouvelé par les dernières administrations.
Il y est également mentionné, selon l’article 17, que «Commet une infraction, toute personne qui flâne, traînasse, s’étale, s’avachit ou erre dans un champ, une rue, un parc ou une place publique et qui ne peut rendre un compte satisfaisant de sa personne.»
«Ce règlement incite à la discrimination»
«Je ne vois pas la pertinence d’un tel règlement. Si y a une chose que j’aime à Montréal-Nord, c’est me promener», explique Solo Fugère, acteur dans la pièce de théâtre Fredy qui relate les dramatiques événements du 9 août 2008.
Présent au conseil d’arrondissement du 14 novembre pour interpeller l’administration, l’artiste, qui évoque «des doutes sur les motifs de ce règlement qui incite à la discrimination», craint qu’un tel texte «légitimise différentes formes de discriminations comme le profilage racial» qui pourraient mener, selon lui, à des événements similaires à ceux ayant coûté la vie à Fredy Villanueva.
Des propos soutenus par Will Prosper, fondateur de Montréal-Nord Republik, qui s’interroge sur les «libertés qu’on laisse à nos jeunes.»
«Pourquoi faut-il toujours les réprimer ? Est-ce un prétexte pour les contrôler ? Est-ce qu’ils peuvent juste exister sans se faire constamment épier et interpeller ? Ils vivent déjà dans des murs de béton et lorsqu’ils sortent, on leur dit de quitter les parcs. C’est ridicule.»
«Des règlements qui sont obsolètes»
Directrice de l’arrondissement, Rachel Laperriere reconnaît que «ce règlement est un vieux règlement» qui serait, comme d’autres, «obsolètes aujourd’hui.»
«Nous avons démarré un chantier d’examen de ce règlement, explique-t-elle. Nous avons donc commencé à consigner l’ensemble des règlements de l’arrondissement pour les revoir et pour, au printemps prochain, faire la modification d’un nouveau règlement. Les mœurs ont changé, les choses ont évolué, on est en voie de changement.»
Alors que la mairesse Christine Black pensait que cette pancarte avait été retirée, Claudel Toussaint, le directeur des sports et des loisirs à Montréal-Nord, reconnaît un oubli. D’autres panneaux du même genre, installés «depuis longtemps» selon l’administration, auraient déjà été enlevés.
L’arrondissement assure avoir enlevé ce panneau situé dans l’aréna Henri-Bourassa ainsi que trois autres dans les arénas Rolland, Fleury et Garon dans la semaine du 14 novembre 2016. L’administration précise que si «d’autres panneaux sont trouvés, ils seront immédiatement retirés.»