Il a 71 ans, tient des propos incendiaires – il a traité Barack Obama et le pape François de «fils de pute» –, est multimillionnaire, méprise l’establishment et promet du changement. Ça vous rappelle quelqu’un?
Rodrigo Duterte est président des Philippines depuis juillet dernier. À l’inverse de Trump, cet ancien maire recyclé en président ne sévit pas sur Twitter et s’est forgé, malgré sa dureté, une réputation d’homme charitable. Il mène une vie modeste malgré sa fortune, est en faveur de l’accueil des réfugiés et dégaine volontiers son portefeuille pour les enfants malades.
Son cheval de bataille? La drogue – le crystal meth en particulier, duquel deux millions de Philippins sont dépendants.
Un bilan inquiétant
Neuf mois après son élection, on chiffre à plus de 7 000 le nombre de meurtres en lien avec sa «guerre contre la drogue», qu’il promet de mener à terme et sans merci. Il affirme vouloir faire avec les drogués ce qu’Hitler a fait avec les juifs.
Les Nations unies, l’Union européenne et plusieurs États dénoncent les méthodes extrajudiciaires de Duterte, ce à quoi il répond: «Don’t fuck with me.» Pourtant, alors que son homologue tangerine perd des plumes aux sondages, le coloré Duterte se mérite la confiance de 86% des Philippins.
Que se passe-t-il aux Philippines?
Révolution, victoire et déception
En 1986, les Philippins renversent Ferdinand Marcos, dont le poing dictatorial sévit alors depuis 20 ans. La population de 100 millions a enfin espoir de voir se consolider la démocratie.
En 1988, dans la foulée des réformes s’opérant au pouvoir, Rodrigo Duterte est élu à la mairie de Davao, dans le sud du pays, pour un premier de cinq mandats.
Au fédéral, 30 ans et 5 élections présidentielles après la révolution, la corruption et la criminalité sont omniprésentes dans les coulisses du pouvoir comme dans les rues.
L’espoir d’être «great again»
Pendant qu’on fait l’inventaire des failles à colmater au fédéral, la municipalité de Davao brille. Sous le règne de Duterte depuis 20 ans, elle affiche un taux de criminalité exemplaire. La rigidité du maire à cet égard lui a d’ailleurs valu d’être surnommé «The Punisher» par le magazine Time.
Quand Duterte annonce son intention de se présenter à la présidence, Davao se range derrière lui. La promesse du maire de faire le ménage du pays et de tenir tête à la Chine séduit un nombre croissant de Philippins. Nonobstant un programme électoral sommaire et des propos indéfendables, Rodrigo Duterte est élu président et entame son règne controversé.
La guerre aux pauvres
Homme de parole, Duterte a bel et bien entrepris une purge anticorruption dans les rangs du pouvoir. Mais plus violente encore est son offensive contre les pauvres. Arrestations massives, emprisonnements sans procès, meurtres… Depuis l’élection, la police ainsi que des milices que Duterte est soupçonné de contrôler ratissent les quartiers les plus démunis, à la recherche de présumés consommateurs ou vendeurs de drogue à punir.
Dans sa volonté d’éliminer le crime à tout prix, Duterte va jusqu’à appuyer une motion qui baisserait l’âge de responsabilité criminelle à neuf ans. Dans son rapport, Amnistie internationale qualifie de «guerre contre les pauvres» les politiques du populaire président.