En vieillissant, on comprend que d’avoir à interagir avec des vendeurs fait partie de la vie en société. En effet, comme le principal avantage de vivre avec d’autres êtres humains à proximité est de pouvoir accéder facilement à des biens et à des services, on est en droit de s’attendre à rencontrer, au moins de temps en temps, quelqu’un(e) qui veut nous vendre lesdits biens et services.
Chacun interagit avec ces drôles de moineaux de différentes manières : certains leur raccrochent immédiatement au nez, d’autres les insultent carrément, d’autres encore sont trop polis pour mettre fin à l’appel et passent littéralement leur soirée au téléphone avec la fille d’un sondage à tenter de répondre à des questions profondes sur les assouplisseurs, etc. Il y en a de tous les types. Personnellement, j’aime bien adopter l’attitude «blagueur-sympa-mais-pressé». Elle me va comme un onguent.
Bref, mardi matin dernier, le gars d’une institution bancaire bien connue m’appelle, ou plus précisément «m’appelle à froid», si on peut me permettre cette traduction de cold call. On commence par le commencement et on se salue, puis la conversation suivante a lieu:
– Monsieur Antoine, je vois que vous avez vendu votre propriété de l’avenue Chabot (il prononce Chabotte, ce qui est la prononciation correcte). Que comptez-vous faire avec l’argent de la vente? Est-ce que vous souhaitez l’investir dans un CELI? Ici, chez [institution financière], nous offrons vraiment les meilleurs véhicules de placements.
– Je suis sûr que vos véhicules sont fantastiques, mais j’ai déjà une voiture, merci. Et je sais bien que vous haïssez ça quand on fait ça, mais pour l’argent, j’ai prévu payer mes dettes avec.
– Et votre ex-conjointe? Pensez-vous qu’elle voudrait investir chez nous?
– Quelle ex-conjointe?
– Ça me dit ici dans votre dossier que vous êtes désormais célibataire.
– Eh ben, quand elle est partie à matin, elle ne semblait pas spécialement fâchée! Il doit y avoir une erreur.
– Non, ça me dit bien que vous êtes célibataire. En général, nos dossiers sont à jour.
– Dans ce cas-ci, ils ne le sont pas.
– Pourtant, je vous assure que c’est bien indiqué «célibataire».
– Dude, je ne suis pas en train de mettre en doute la qualité de ta vision, là. Mais tu m’obstines sur mon statut marital, t’sé quelque chose qu’au final, il y a seulement deux personnes qui peuvent déterminer?
– Mais c’est que…
– À moins bien sûr que tu couches avec ma femme.
– …
– Et si c’est le cas, je ne vais assurément pas t’acheter tes cochonneries de CELI, crois-moi.
– …
– T’avais-tu d’autres choses à jaser?
– Euh…Je…
– Ok, tourlouuuuu!
Cette semaine/vie est interminable.