Au Québec, les reprises de logement, les évictions de locataires et les rénovictions ont augmenté de près de 50% cette année, passant de 600 en 2020 à 875 en 2021. De ce nombre, près de 560 cas ont été recensés à Montréal.
Ces données ont été dévoilées mardi matin par le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), en compagnie du Bureau d’animation et information logement du Québec métropolitain (BAIL) et d’Action-logement Lanaudière.
Cette tendance est à la hausse depuis quelques années, explique l’organisateur communautaire du RCLALQ Maxime Allard-Roy. «L’année passée, on était passé de 300 en 2019 à 600 en 2020. On avait doublé. Cette année encore il y a une augmentation importante et ça reflète vraiment la réalité du terrain», a-t-il déclaré.
Par ailleurs, Maxime Allard-Roy indique que plus de la moitié des reprises de logement, évictions et rénovictions recensées en 2021 sont le fait de nouveaux propriétaires. «Et dans 70% des cas, on parle d’immeubles qui ont été acquis dans les trois dernières années par les propriétaires. Ça demeure relativement récent et ça montre que c’est des évictions qui sont effectuées pour augmenter rapidement le loyer», ajoute-t-il.
De leur côté, les locataires qui sont ciblés par les propriétaires habitent leur logement depuis assez longtemps. «Dans nos échantillons, 50% des locataires habitait leur logement depuis au moins 10 ans et un locataire sur trois y habitait depuis plus de 15 ans», poursuit Maxime Allard-Roy.
L’organisateur communautaire souligne aussi que le loyer moyen des personnes évincées était de 767 $ par mois, soit près de 100 $ en dessous du loyer moyen selon la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL).
Augmentation des demandes d’aide partout
Les évictions de locataires sont loin de se limiter aux quartiers centraux de Montréal. En effet, le nombre de demandes d’aide de locataires en lien avec ces problèmes ne cesse d’augmenter partout au Québec.
À titre d’exemple, dans la région de Québec, 90 locataires ont fait appel aux services d’information du BAIL concernant une reprise de logement, une éviction ou une rénoviction.
C’est cinq fois plus qu’il y a deux ans, fait remarquer l’organisateur communautaire, Jonathan Carmichael. «On voit de plus en plus de propriétaires d’immeubles, particulièrement dans les quartiers populaires de Québec, utiliser des stratagèmes malveillants visant à obtenir le départ définitif de locataires en place souvent depuis de nombreuses années», dénonce-t-il.
Dans la région de Lanaudière, Action-logement Lanaudière recense plus de 90 cas de reprises de logement depuis le début de l’année. «Auparavant, on n’en avait que 5 à 10 par année, laisse savoir l’organisatrice communautaire Amélie Pelland. C’est donc un phénomène qui est vraiment nouveau et qui prend plus d’ampleur en région.»
Revendications au gouvernement
La situation inquiète les comités logement et associations de locataires du Québec, qui interpellent la ministre de l’Habitation du Québec, Andrée Laforest, pour qu’elle propose un projet de loi qui renforcerait les protections des locataires et mettrait un terme aux évictions effectuées pour faire des profits.
Considérant que 55% des cas sont des reprises de logement, les comités demandent que toutes les reprises de logement soient interdites dans les régions et les secteurs où le taux d’inoccupation se situe en-deçà de 3%. «Et pour les secteurs où c’est permis, on veut que les locataires aient droit à une indemnité de 12 mois de loyer», ajoute Maxime Allard-Roy.
Une des principales revendications est aussi de modifier le Code civil du Québec pour y retirer les dispositifs qui permettent les évictions. «Pour l’instant, on n’a pas des réactions positives [de la part du gouvernement] à ce sujet, mais on s’attend quand même à ce qu’il y ait des avancées prochainement», mentionne M. Allard-Roy.
Finalement, pour contrer le fléau des rénovictions, le RCLALQ propose encore une fois d’instaurer un contrôle obligatoire des loyers ainsi qu’un registre public des loyers. «Ce serait plus difficile d’augmenter les loyers comme ils le font à travers les rénovations. Parallèlement à ça, il faut aussi un registre public des loyers pour que les locataires, lorsqu’ils signent un nouveau bail ou recherchent un logement, puissent savoir quel était l’ancien prix payé», affirme Maxime Allard-Roy.
Québec dit non à un registre des loyers
Depuis que la ministre Andrée Laforest a demandé qu’une ligne et une section du site du TAL soit spécifiquement destinées aux informations relatives aux évictions et aux recours disponibles, les plus récents chiffres indiquent une diminution de 33% des demandes, indique son cabinet.
L’attachée de presse Bénédicte Trottier Lavoie ajoute que le ministère est en train de compléter l’analyse concernant la question des évictions et du fardeau de la preuve.
Elle ajoute que la ministre Laforest a déjà fermé la porte à l’idée de créer un registre national des loyers après avoir évalué la pertinence, ainsi que la faisabilité et les coûts qui y seraient reliés. «À la lumière de l’évaluation réalisée, il apparaît clair qu’un registre national des loyers ne ferait qu’ajouter une structure additionnelle à ce qui est déjà en place», avait déclaré Mme Andrée Laforest le 30 septembre dernier.
Mme Trottier Lavoie rappelle toutefois que Québec dispose déjà d’une législation lui permettant d’exercer un contrôle sur l’augmentation des loyers.