Mes hommages. Chaque fois que j’en vois passer une, j’ai le bienveillant et lâche réflexe de me virer le globe oculaire de bord. C’est plus fort que moi. Instinct de fillette qui traînait son petit chien frisé dans un panier tiré par son Big Wheel. Petite, les animaux, je croyais que tout le monde les traitait ainsi; en leur donnant des biscuits et des petits becs dans le cou (pour se faire pardonner de les avoir déguisés en bouts-de-chou autour du pâté de maisons).
C’est pourquoi quand des montagnes de coyotes dépouillés de leur fourrure pour nous ornementer le Canada Goose et des cadavres qui grouillent encore dans les usines à chiens défilent sur mon fil Facebook, c’est, chaque fois, un coup de pied aux viscères. Un petit Van Damme intérieur qui se déploie la cuisse pour me dire d’être aware. Me rappeler à quel point les gens sont sots. Et laids.
Hier, c’est la formidable épopée d’une touriste bulgare qui m’a valu la trace de running shoe au ventre. Une digne globe-trotter. Et une femme qui avait bien l’intention de vivre son petit voyage en Macédoine comme pas une, mais sans faire comme tout le monde en lovant ses impérissables souvenirs dans l’achat d’un porte-clé kinky. Non.
Elle avait en vie de plus. De modernité et d’air du temps.
C’est pourquoi dès qu’elle aperçut cet auguste cygne qui se mouvait sur un plan d’eau, il lui fallait l’avoir. S’en faire un élégant chapeau. Une hermine. Lucide comme pas une, elle s’est sans doute mal vue expliquer aux douaniers l’origine de son béret aviaire et prit donc la sage décision de n’en prendre que le portrait.
Mais un selfie de son faciès ébaubi devant la grâce du cygne ne suffisait apparemment pas. Un fusain? Une badine caricature en patins à roulettes avec l’oiseau? Mieux. Elle s’est simplement garrochée sur l’animal, comme une fleur, l’empoignant par l’aile pour le traîner sur le rivage, là où l’herbe arborait un vert qui s’harmonisait à merveille avec son macaron du club des tarés. Le fruit de son shooting fait présentement le tour du Web : une épaisse accroupie agrippant, de sa petite main nerveuse, un immense oiseau blanc qui se tord de terreur. Une belle diapositive à montrer à mamie, au retour.
Et ce malheureux cygne n’a pas que posé pour la postérité. IL EST MORT. Mort aux mains d’une sombre conne aux dents lilas, devant un petit groupe en culottes courtes qui attendaient de remonter dans l’autocar en regardant leur montre.
Il y a deux semaines, c’était ce cadavre de dauphineau, qu’une foule d’excités se passait de main en main sur une plage pour prendre des selfies. «Il était déjà mort, quand on l’a trouvé!» se rassérénait-on. Parce qu’un gros plan de son brandy nose auprès du cadavre d’un poupon, c’est mieux. Et ça fait que la crème solaire au coconut n’irrite plus ses petites nageoires inertes, quand on le fait danser sur Mambo #5.
Qu’elle est belle, la nature. Shooters!