Mes hommages. Il est de ces matins de fin mars où la simple découverte d’une canne de petits pois LeSieur au fond de la dépense pousse soudain l’hiver derrière nous. À défaut de l’hirondelle, il suffit parfois d’un hot chicken pour faire le printemps. Pour envisager d’entreprendre cette formidable chorégraphie de gumboots près d’un petit sac vert qui dégèle le transit d’un poménarien, restitué à Gaïa il y a six mois. Les plaisirs luminothérapiques.
Mais il est aussi de ces matins où, à défaut d’un délicieux repas nappé de sauce, on me propose plutôt de relever le «défi de la feuille mobile». Absolument. Qu’en est-il? La chose est, ma foi, désarmante de simplicité. Il s’agit, et soyez bien attentifs pour n’en pas rater une directive, de se tenir bien droite devant le miroir. Nu-bédaine. Ni babydoll ni négligé ne doit vous voiler l’abdomen. IL EST PRIMORDIAL DE BIEN LE VOIR.
Ensuite, emparez-vous d’une feuille 8 ½ par 11. Une feuille d’imprimante. En cas de crise papetière, sachez qu’une feuille mobile peut très bien faire l’affaire, mais les trous pourraient fausser les données. Nu-ventre et feuille en main, placez maintenant ladite feuille blanche devant votre tronc et regardez-vous dans la glace. Si la superficie du papier cache l’entièreté de votre taille et de vos hanches, VOUS AVEZ RELEVÉ LE DÉFI MINCEUR (le Artis de la silhouette).
Oh oui. Tel que récemment vu sur les réseaux sociaux, le «A4 waist challenge» (A4 étant la feuille d’imprimante) est le tout nouveau moyen pour les femmes de s’évaluer le tour de taille et la pertinence en se sacrant l’estime dans le car à vidanges. Mince comme une feuille lousse! Fine fine fine. La belle affaire. Pour peu, la chose peut paraître futile ou démesurément coucou. Mais si c’est un «défi», c’est que certaines le relèvent. Le partagent. En retirent un puissant sentiment de satisfaction et de pouvoir. Ou de panique. De blues qui passent pu dans’ porte si, comme moi (ou comme tout être qui ne se chausse plus chez Panda), une hanche fertile a le malheur de faire des babailles adipeux de chaque côté de la très, très petite feuille. Trop grasse pour la bisextile, gurl!
Le «défi de la feuille mobile» n’est, me direz-vous, qu’une mode, un divertissement de qualité entre deux épisodes de quinquagénaires enfermées dans une cage de plexi avec Airoldi et ses jabots. Mais c’est aussi le dernier défi minceur avant le prochain. Faire le tour de sa cuisse avec une saucisse Hygrade. Recueillir de l’eau de Pâques à l’aide de ses creux de joues. Battre une feuille d’automne à Qui perd gagne.
Chaque fois qu’on se compare la falle, qu’on se critique ou que l’on doute, on fait douter autour de soi. Et chaque fois que vous lui dites qu’elle est belle, son cœur n’apprendra qu’à rosir à ces mots. Dites-lui qu’elle est forte. Qu’elle vous inspire. Qu’elle y arrivera. Et dites-lui donc d’écrire «toute va ben aller», sur sa feuille.
La bise.