Mes hommages. Ce matin, j’aurais aimé vous entretenir la miche d’une histoire inspirante. Positive. Vous gaver d’images de mangues fraîches tranchées en plein vol, de réconciliation de carmélites ou des nouvelles perspectives de vie du jeune Timmy, 9 ans, qui nourrit désormais le rêve de faire diététicien plus tard après une nuitée à préparer des sandwichs aux tomates en écoutant du Coldplay. Il n’en sera, hélas, rien.
Il n’en sera rien puisque je n’ai pour vous que remontrances servies dans une vieille boîte de St-Hubert qui revole contre la chaîne de trottoir tous les mardis et vendredis que le bon Dieu amène depuis que j’habite ce quartier. Un quartier où les hydrangées changent de coupe selon les tendances. Un quartier où on fait la file pour se procurer un grilled cheese à 12 piastres pour encourager le commerce local, et où on se promène le sac réutilisable en cas de spécial sur les fleurs de courgettes au petit marché éphémère du square. Un quartier bien où, chaque mardi et vendredi, on s’expose aussi le sac blanc.
Je trouve encore de la poésie dans le nostalgique ballet du sac du Jean Coutu qui virevolte au gré de la brise dans une ruelle verte. J’ai toutefois du mal à apprécier l’alexandrin des sacs blancs qui, deux matins par semaine, persistent à tenir compagnie aux précédents petits sacs blancs qui attendent la mort depuis huit jours en toussant un emballage de pelli-moulante, le banquet du mois dernier et ses vieilles napkins témoignant d’une fête qui s’est soldée par un puissant va-vite. Oh oui. Je t’écris à propos de tes vidanges, Cécile. Je croyais pourtant le sujet épuisé.
Mais chaque printemps, il semblerait que la frénésie de sortir en culottes courtes ne te suffit pas. Il te faut montrer plus. Après tout, pourquoi suivre le troupeau de gens ternes qui disposent bêtement de leurs déchets dans des sacs prévus à cet effet quand tu peux simplement emballer tes restes de caille dans un vague papier de soie et le garrocher, d’une ferme swing, sur le trottoir quand bon te semble? Tu mènes une vie fantastique. Et le fait de priver les passants des cadavres de ta consommation te tiraille.
Quand tu sors travailler, au petit matin, tu te sens revivre à la seule vue de tes sacs éventrés, petites fenêtres sur l’ironie de tes canisses de corned-beef et de la trail de kotex qui ont eu le privilège de courtiser ta fourche. Chaque fois, tu murmures avec délectation : «Ciel! Mon protège-dessous. Quelle chance il a eue. Et quelle chance ils ont de le côtoyer jusqu’à son dernier repos.»
Si je sors de chez moi et que j’aperçois la couche de mon dernier-né (PARCE QUE JE LA RECONNAIS) qui roule comme une boule de poussière dans le désert texan après avoir été expulsée de son sac vert par une gerbille qui passait par là, je la ramasse. Au péril d’en priver autrui. Je fais ça? Je fais ça.
Et j’use aujourd’hui 500 mots pour t’en faire audacieuse suggestion.
La bise.