Le règlement de la Ville de Montréal sur le bannissement des nouveaux chiens de type pitbulls a été adopté mardi à l’hôtel de ville. Trente-sept conseillers ont voté en faveur et 23 s’y sont opposés.
Le règlement entrera en vigueur le 3 octobre. À partir de cette date, il sera donc interdit aux Montréalais de se procurer de nouveaux chiens de type pitbulls. Les propriétaires actuels de pitbulls pourront toutefois se procurer un permis spécial pour conserver leur bête. Ils auront jusqu’au 31 décembre pour se manifester auprès de leur arrondissement et obtenir une médaille temporaire. Si ce n’est pas fait, le chien devient interdit sur le territoire de la Ville de Montréal. Ils auront ensuite jusqu’au 31 mars 2017 pour faire les démarches nécessaires pour obtenir le permis officiel. Pour ce faire, ils devront payer un montant de 150$, faire vacciner, micropucer et stériliser leur chien. Le propriétaire devra fournir le document attestant de l’absence d’antécédent judiciaire lié à la violence. Les pitbulls devront être tenus en laisse et être muselés en tout temps.
Aussi, tout chien, peu importe la race, qui a mordu sans causer la mort pourra être déclaré dangereux et pourrait faire l’objet d’un ordre d’euthanasie. Un chien ayant causé la mort d’un personne ou d’un animal fera l’objet d’un ordre d’euthanasie.
Tous les propriétaires de chiens, peu importe la race, devront obtenir un permis, faire stériliser et micropuçer leur animal d’ici au 31 décembre 2019. Les chats devront également avoir une médaille.
Le débat a été houleux à l’hôtel de ville lors de l’adoption de ce règlement qui fait couler beaucoup d’encre depuis le début de l’été, alors qu’une Montréalaise, Christiane Vadnais, est morte attaquée par un chien de type pitbull.
«Il y a des obligations qui viennent avec le fait d’être propriétaire d’un chien ou d’un chat à Montréal. J’ai la responsabilité de protéger tous les Montréalais, même contre eux-même. Il faut poser des gestes contre les chiens dangereux. Je pense à la famille Vadnais», a indiqué le maire de Montréal à l’issu du vote.
Aux propriétaires de pitbulls qui seraient incapables de payer le permis et les conditions nécessaires, et qui pourraient être forcés de s’en débarasser, le maire répond qu’«il faut que les gens soient responsables. S’ils veulent avoir un chiens, ils doivent aussi être en mesure de s’en occuper et de l’encadrer. Je ne suis pas triste à l’effet qu’on responsabilise les gens», a ajouté le maire.
Débat
Au cours du débat qui s’est étendu sur plusieurs heures, les élus de l’opposition ont d’abord déploré le manque de preuves scientifiques de l’administration Coderre sur les bienfaits d’un règlement ciblant une race particulière.
Le chef de l’opposition, Luc Ferrandez, estime que «80% du règlement est bon», soit la question de la stérilisation, la tenue en laisse et le permis, mais il éliminerait la partie bannissant les nouveaux pitbulls. «Il faut changer le système au complet. Il y a de mauvais chiens comme il y a de mauvais propriétaires. Il ne faut pas avoir un chien comme une marchandise. Il faudrait un processus d’adoption, une brève évaluation qui permet d’évaluer le chien et le propriétaire», a-t-il estimé, déçu de l’issu du vote.
Il estime que le règlement ne règle pas le problème de chiens dangereux, ou de propriétaires irresponsables, mais ne fait que transférer le problème sur d’autres races. «Une personne qui n’est pas faite pour avoir des chiens, demain matin, il peut aller s’acheter un mastiff et continuer de ce comporter comme tel. Ce sont ces maître qu’il faut contrôler», plaide-t-il.
«Tout le monde dit que les législations spécifiques à la race sont inefficaces, inapplicables, et donnent de faux sentiments de sécurité, a clamé Guillaume Lavoie, élu de Projet Montréal dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite Patrie. Il n’y a aucune pratique en place, étude scientifique, qui a pu établir la corrélation entre ce genre de pratique et une diminution des morsures.»
«C’est un règlement qui donne l’impression qu’on fait de la répression et non de la prévention, a déploré pour sa part Luis Miranda, maire d’Anjou. Un règlement pour avoir des revenus en même temps, je n’embarque pas. Les citoyens paient déjà leurs taxes.»
Justine McIntyre, chef du Vrai changement pour Montréal, a également mentionné que la Ville de Toronto, qui s’était dotée d’un tel règlement, s’apprête à l’amender puisqu’elle se dit incapable de l’appliquer.
Le porte-parole de Projet Montréal en matière de gestion animalière, Sterling Downey, a lui aussi fait valoir qu’«il est démontré scientifiquement hors de tout doute que ce type de règlement ne fonctionne pas et n’atteint pas les objectifs de sécurité visés».
La Ville de Montréal avait dévoilé plus tôt cette semaine qu’en 2015, il y a eu 426 rapports sur des morsures de chiens rédigés à Montréal, dont 137 étaient en lien avec des chiens de types pitbulls. Au total, 14 chiens ont reçu l’ordre d’être euthanasiés, dont la moitié étaient des pitbulls.
Anie Samson, responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal, a mentionné à plusieurs reprises aux citoyens et élus venus poser des questions sur ce règlement au cours du conseil municipal qu’elle ne souhaitait pas «faire un débat de chiffres». «Je vais vous donner un chiffre puis vous allez m’en donner un autre qui dit le contraire», a-t-elle souligné.
Lorsque le débat sur le règlement a débuté mardi matin, elle a tout de même dévoilé certaines informations qu’elle a récoltées au courant de l’été et sur lesquelles elle s’est basée pour produire le règlement. Elle mentionne d’abord que le règlement actuel à la Ville de Montréal (créé il y a 15 ans), qui encadre les animaux domestiques, oblige les propriétaires à se procurer un permis pour leur chien. «En juin dernier, seulement 14% des propriétaires de chiens à Montréal avaient une médaille. On leur a donné 15 ans pour le faire, ils ne l’ont pas fait. En juin, une Montréalaise est morte attaquée par un chien qui n’était pas en contrôle. Comme élus, on a la responsabilité de s’assurer qu’on choisit l’humain avant l’animal», a-t-elle fait valoir.
Mme Samson a indiqué que selon ses recherches, les pitbulls ont été «créés» au 18e siècle dans le but de combattre. «Ils ont été conçus avec trois critères : l’agressivité, la rapidité, la force», a-t-elle ajouté.
Elle a souligné que 40 pays dans le monde ont banni ces chiens, dont la France, l’Allemagne, l’Australie, la Hongrie et la Norvège.
Elle fait valoir que le Manitoba a également adopté il y a 20 ans un règlement semblable à celui que Montréal s’apprête à entériner. Le taux de morsures de chiens a augmenté, mais le taux de morsures graves nécessitant une hospitalisation a diminué de 18%, a-t-elle mentionné. En Catalogne, il a diminué de 40%.
«La mâchoire d’un pitbull est faite pour déchiqueter. Lorsqu’il ferme sa mâchoire, personne n’est capable de la rouvrir sans que ça cause de dommage à la personne mordue», a ajouté Mme Samson, reprenant les informations qu’elle a récoltées.
Un amendement a été ajouté au règlement, mardi matin. Dans le cas du décès d’un propriétaire de pitbull, un membre de sa famille, son conjoint, ou une personne habitant à la même adresse pourra demander que lui soit transféré le permis spécial.
Les arrondissements qui ont bannis complètement la présence des pitbulls sur leur territoire, comme Outremont, pourront conserver leur règlement. Ainsi, même les propriétaires de pitbulls ayant un permis spécial ne pourront s’y rendre.
Anie Samson affirme que l’argent récolté par le paiement des permis sera redistribué aux arrondissements pour l’embauche d’un inspecteur canin.
Lundi, plus d’une centaine de citoyens ont manifesté devant l’hôtel de ville de Montréal pour s’opposer au règlement. Trois citoyens ont pu poser une question devant les élus lundi et mardi au conseil municipal.