Montréal

Le carnaval

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Chronique. Station de métro Berri-UQAM, direction Côte-Vertu. C’est jeudi, il est 17 h 15.

Il y a un monde fou. C’est une jungle. C’est un zoo.

En ce lendemain d’Halloween, tout le monde à l’air d’être sur un rush de sucre. Et, comme autant de jouets trop crinqués, les gens se dirigent avec détermination vers la fin de leur journée.

Ça fourmille dans toutes les directions, mais ce qui est beau à voir, c’est la coordination et l’harmonie au sein du chaos. À part quelques faux pas et quelques collisions anodines, le bal des usagers est joliment chorégraphié.

C’est en me passant cette réflexion que je l’aperçois, lui. Un homme dans la trentaine, en béquilles, une patte dans le plâtre, dans l’escalier, au cœur de l’heure de pointe. Il titube, chambranlant, s’accrochant comme il peut à son précaire soutien.

Chaque marche est un défi. Il a l’air d’un héron maladroit qui fait tout pour garder sa dignité même s’il risque de foutre le camp à chaque enjambée. Nul ne l’aide ou ne lui nuit. En fait, il est royalement et unanimement ignoré par tous.

Je réalise alors, en regardant tout autour, la stratégie que certains préconisent pour se frayer un chemin. Il y a ceux qui adoptent la démarche du crabe : de côté et très rapide. Cette approche permet de se faufiler entre les autres. On peut aussi observer la charge du bison qui, lui, fonce, carré, avec assurance. Les pas de loup feutrés, eux, permettent de contourner les obstacles avec agilité.

Puis, les hanches ondulantes de l’oie qui se dandine rondement, mais sûrement, s’assurant un périmètre de sécurité en repoussant d’un petit coup d’arrière-train quiconque la suivrait de trop près.

Le héron a finalement réussi sa périlleuse descente. Il est maintenant en équilibre sur sa jambe gauche, sur le quai, entre un bison et un loup. Le métro est arrivé. J’ai regardé les passagers y monter comme à bord d’une Arche de Noé.

Soudain, j’ai une image en tête. Une pensée pour les stations new-yorkaises récemment inondées.

Articles récents du même sujet

Exit mobile version