ESTÉREL, Qc – Le ministre de la Santé du Québec juge tout à fait «inacceptable» qu’un citoyen étranger contourne les listes d’attente et ait droit à des soins de santé en échange de dizaines de milliers de dollars, mais n’a pas l’intention de sévir pour autant.
Réjean Hébert a affirmé vendredi qu’il avait rappelé aux établissements hospitaliers que le Québec n’était pas une destination de tourisme médical. Le ministre estime que des priorités doivent être établies lorsque des salles d’opération sont disponibles et qu’en aucun cas, des préoccupations budgétaires ne devraient s’imposer.
«Si on a des disponibilités de salles d’opérations et de salles de soins intensifs pour ce genre d’initiative, on devrait d’abord les mettre à la disposition des citoyens du Québec qui attendent sur des listes d’attentes. On peut le faire pour des raisons humanitaires, mais si on le fait pour des raisons budgétaires, on a un problème important!», a insisté M. Hébert en marge du caucus péquiste qui se tenait à l’Estérel, dans les Laurentides.
C’est précisément sur ce point que se défend le porte-parole du CUSM Richard Fahey, qui lors d’une entrevue à La Presse Canadienne, a répété que la patiente koweïtienne a été admise en respect du principe de compassion et parce que la procédure cardiaque nécessaire aurait été trop risquée dans son pays d’origine.
M. Fahey avance aussi que ce type d’opérations sont menées de manière plus ou moins régulière dans les centres hospitaliers du Québec et du Canada, toujours sur la base de la compassion.
Le CUSM va plus loin et précise avoir obtenu la permission du gouvernement du Québec avant d’agir.
Et puisque l’intervention s’est déroulée en 2011, c’est le libéral Yves Bolduc qui était alors en poste comme ministre de la Santé. M. Fahey précise que le bureau du ministre a bien été avisé du dossier de la patiente.
«Il y a des règles pour ça, et en l’occurrence, sur la base de la compassion et d’une procédure qui ne pouvait être exécutée de façon sécuritaire au Koweït, on a demandé la permission du ministre de la Santé, par l’entremise de son cabinet, et nous avons pu procéder», a soutenu M. Fahey.
Le ministre Hébert a également remis en question le montant versé par le gouvernement du Koweït pour offrir une chirurgie à l’une de ses ressortissantes. Un montant de 200 000 $ pour une intervention du genre et une hospitalisation d’une durée d’un mois semble peu élevé aux yeux du ministre de la Santé.
Richard Fahey, du CUSM, a détaillé les coûts associés au séjour de la patiente koweïtienne. Les frais du médecin représente un coût fixe de 45 000 $ pour les soins professionnels, en sus, des coûts hospitaliers ont été chargés pour la chambre, le lit, les repas et le personnel, qui eux ont coûté 50 000 $, mais ont été facturés à 150 000 $.
«Au Québec, si un patient étranger est traité dans une institution, nous chargeons trois fois le taux chargé à un Québécois», a expliqué M. Fahey.
Le CUSM estime qu’aucun citoyen du Québec n’a été lésé dans cette situation. Le lit était fermé, de même que la salle d’opération, de sorte qu’aucun patient québécois n’aurait pu être traité au même endroit que cette patiente.
«C’est courant dans les hôpitaux du Québec que des lits soient fermés et ce lit était fermé parce que non financé. La salle d’opération aussi était fermée, parce que non financée. Aucun patient québécois n’a vu ses procédures ou son traitement retardé, d’une façon ou d’une autre», a ajouté le porte-parole du CUSM.
Précisons qu’aucune sanction ne sera toutefois imposée à l’hôpital Royal Victoria, qui a permis à une citoyenne du Koweït d’outrepasser les listes d’attente en chirurgie en versant 200 000 $ afin d’y être opérée en décembre 2011, comme l’a rapporté le quotidien «La Presse».
Le ministre a écarté l’idée d’imposer une amende.
«Écoutez, je pense que l’établissement concerné a déjà des problèmes budgétaires importants, qu’il a déjà un devoir important de rétablir l’équilibre budgétaire, de rétablir les processus de gestion. Je pense qu’il doit se concentrer sur ces opérations», a-t-il affirmé.