De nouvelles données obtenues par Métro témoignent d’une hausse de certaines amendes qui affectent particulièrement les sans-abri. Une «surjudiciarisation» qui pourrait empirer avec le changement de statut à venir des inspecteurs de la Société de transport de Montréal (STM), craignent certains.
L’an dernier, la STM a remis 315 amendes à des personnes ayant fumé dans le métro et 74 constats d’infraction à des personnes étendues sur un banc, démontrent des données obtenues par Métro en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Sur les différents types d’amendes de la STM analysées, seules celles concernant la possession d’alcool ont diminué en nombre en 2018 par rapport à l’année précédente.
Hausse marquée
La hausse la plus marquée est celle concernant les amendes de 150$ remises aux personnes qui passent les tourniquets du métro sans payer. Leur nombre a atteint 5859 constats en 2018, une hausse de 27% par rapport à la moyenne des deux années précédentes.
Selon l’organisatrice communautaire au Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Nadia Lemieux, plusieurs sans-abri reçoivent ces amendes après avoir été interceptés en premier lieu pour des comportements associés à leur mode de vie.
«[Les agents de la STM] vont voir en premier les personnes couchées sur un banc, puis ils vont regarder si elles ont payé ou non leur titre de transport et leur remettre une contravention pour non-paiement du titre de transport», a-elle soulevé.
Nouveaux pouvoirs?
La professeure Céline Bellot, de l’École de travail social de l’Université de Montréal, estime que ces données démontrent que la remise de constats d’infraction continue d’être vue comme un outil d’intervention par les inspecteurs de la STM.
«Il n’y a pas grand-chose qui semble avoir changé dans l’application des règlements», a soulevé l’experte.
Celle-ci craint d’ailleurs les démarches entreprises depuis quelques mois pour que les inspecteurs de la STM deviennent des «constables spéciaux». Cela leur donnerait des pouvoirs qui sont associés aux policiers.
«Un des risques, c’est d’avoir une double police dans le métro. […] Ils vont avoir un pouvoir d’arrestation, un pouvoir de fouille. Tout ça dans un contexte où les enjeux de sécurité dans le métro n’ont pas trop changé dans les dernières années», souligne l’experte.
«À mon avis, ça risque de créer une hausse du nombre de constats d’infraction émis dans le métro.» -Céline Bellot, professeure à l’Université de Montréal
Augmenter la formation
Actuellement, les agents de sécurité de la STM ne sont pas considérés comme des policiers. Ce sont plutôt des fonctionnaires qui doivent suivre une formation de 14 semaines à l’École nationale de police du Québec.
«À notre sens, ce qu’il faut, c’est plus de formation. Si ce statut-là [de constables spéciaux] ne vient pas avec plus de formation en itinérance pour avoir une approche plus adaptée à leur situation, c’est certain que ça nous inquiète», a soulevé Mme Lemieux.
La STM n’a pas voulu commenter ces données mercredi.
Les constats d’infraction remis par la STM:
Type d’amendes | 2016 | 2017 | 2018 |
Être couché sur un banc | 40 | 68 | 74 (+8% par rapport à 2017) |
Être en train de fumer | 236 | 205 | 315 (+53% par rapport à 2017) |
Se promener pieds nus | 3 | 3 | 5 (+2) |
Consommer de l’alcool | 835 | 1176 | 586 (-51% par rapport à 2017) |
Être dans le métro sans un titre de transport valide | 4456 | 4712 | 5859 (+24% par rapport à 2017) |