Montréal

Les Autochtones bispirituels veulent être entendus

L'artiste autochtone et bispirituel Adrian Stimson

L'artiste autochtone et bispirituel Adrian Stimson

Si les autochtones bispirituels habitaient le Canada bien avant l’arrivée des Européens, leur réalité est encore peu connue. Des membres de la communauté demandent une meilleure représentation, malgré les progrès des dernières années.

À Montréal, la Fierté 2019 se mettait en branle jeudi, un jour avant la Journée internationale des peuples autochtones. Dans ce contexte, l’artiste bispirituel Adrian Stimson constate que les Autochtones bispirituels (two-spirited) sont encore et toujours stigmatisés.

«En Amérique du Nord, on a encore des enjeux de moralité qui datent du premier contact avec les Européens, affirme celui qui a grandi dans la communauté de Siksika, en Alberta. Ça a encore lieu!»

Selon l’artiste de la nation des Pieds-Noirs, «il y a encore de la résistance» au Canada en particulier. «Il y a une résurgence de l’homophobie et du racisme. Il faut continuer à travailler», avance celui qui présente une exposition à l’UQAM dans le cadre du festival Présence autochtone, qui se poursuit jusqu’au 14 août.

Efforts politiques

Malgré les efforts de réconciliation, le gouvernement canadien «devrait en faire plus» pour reconnaître cette réalité, avance de son côté la militante oji-crie Ma-Nee Chacaby. Elle aussi s’identifie comme two-spirited.

«Lorsqu’on va chez le docteur pour un rendez-vous, il devrait y avoir une option bispirituelle sur le document», propose-t-elle.

La mise en place de commissions spéciales pour la réconciliation peut aider, d’après M. Stimson, mais elle a des limites.

«Ça a pris beaucoup de temps et de gens pour mener la réconciliation, affirme-t-il. Plusieurs institutions essaient d’appliquer les recommandations de ces rapports, mais je crois que peu de personnes dans la population générale les ont lus.»

Une histoire oubliée

Ma-Nee Chacaby et Adrian Stimson y vont sans détour: les Autochtones qui s’identifiaient comme bispirituels étaient mieux traités avant l’arrivée des Européens.

«Il y en avaient beaucoup avant les colonisateurs, raconte Mme Chacaby. Ils étaient aimés et acceptés comme un cadeau du Créateur.»

«À un point dans l’histoire, les personnes bispirituelles jouaient un rôle majeur dans les tribus de Pieds-Noirs, explique pour sa part M. Stimson. Mais cette histoire a été effacée en raison de la colonisation.»

M. Stimson remarque que les conquistadors espagnols, par exemple, étaient particulièrement «confus» par le mode de vie bispirituel. «Plusieurs artistes ont peint la rencontre entre des Espagnols et des personnes bispirituelles», analyse-t-il.

«L’une d’elle montre des conquistadors éclater de rire pendant que des Autochtones sont attaqués par des chiens enragés» – Adrian Stimson, artiste bispirituel

Selon Ma-Nee Chacaby, qui agit comme coprésidente d’honneur de Fierté Montréal cette année, la religion a joué un rôle dans le traitement réservé à la communauté bispirituelle.

«Ma grand-mère avait quatre ans lorsqu’elle a été témoin d’un événement où deux femmes et deux hommes ont été ligotées et jetés à terre. On leur disait qu’ils ne pouvaient pas vivre comme ça», avance-t-elle.

«S’ils voulaient vivre, ils devaient vivre comme des personnes “normales”. Mais elles ne savaient pas ce que normal voulait dire.» – Ma-Nee Chacaby, militante aînée bispirituelle

Les personnes bispirituelles essaient aujourd’hui de se réaffirmer, soutient M. Stimson. «Ils et elles essaient d’aller trouver des traces de leur histoire auprès des aînés», ajoute-t-il.

Combat interne

Même dans la communauté LGBTQ+, les personnes bispirituelles pourraient bénéficier d’une meilleure représentation, avance M. Stimson.

«Les préjugés ne sont pas restreints aux personnes hétérosexuelles, constate-t-il. Le racisme existe à l’intérieure de la communauté gaie.»

Ma-Nee Chacaby abonde dans le même sens. «Certains membres de la communauté LGBTQ+ pensent qu’ils sont les premiers. Mais plusieurs membres des Premières Nations rappellent qu’ils étaient là avant», dit-elle.

«On peut penser que des personne oppressées comprendraient l’oppression. Mais les humains tentent toujours de rester au sommet, d’une façon» – Adrian Stimson

La bispiritualité dans le regard des intervenants

«Ça englobe l’idée qu’à l’intérieur d’un individu, il y a un esprit masculin et un esprit féminin. Au début des années 1990, les personnes bispirituelles se sont entendues à une conférence au Manitoba sur le terme two-spirited» – Adrian Stimson

«Ma grand-mère m’a dit que j’étais bispirituelle quand j’avais quatre ans. J’ai deux esprits qui vivent en moi, un homme et une femme. Ils sont sans danger et je ne peux rien faire pour changer ça.» – Ma-Nee Chacaby

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