L’opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal demandera la semaine prochaine à la Ville d’adopter une définition controversée de l’antisémitisme, a constaté Métro.
Lors de la prochaine séance du conseil municipal, prévue lundi prochain, le parti Ensemble Montréal présentera une motion qui demande à la Ville d’adopter la définition de l’antisémitisme rédigée en 2016 par L’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, mieux connue sous l’acronyme anglophone IHRA.
«Comme nous le savons, malheureusement, au cours de la dernière décennie, il y a eu une augmentation du nombre de crimes haineux et antisémites commis en Europe et au Canada», évoque à Métro le chef d’Ensemble Montréal et auteur de cette motion, Lionel Perez, lui-même de confession juive.
Au Canada, les crimes haineux commis contre la population juive sont en croissance. Le nombre de cas répertoriés par Statistique Canada a d’ailleurs grimpé de 63% entre 2016 et 2017, passant de 221 à 360.
«Nous pensons que c’est une définition très importante à supporter. […] C’est particulièrement important maintenant parce que l’antisémitisme a augmenté un peu partout au Canada et dans le monde», estime le directeur au Québec de l’organisme B’nai Brith Canada, Harvey Levine.
Dans les dernières années, cette définition a été adoptée par de nombreux pays européens de même que par les États-Unis. Le gouvernement fédéral a par ailleurs inclus celle-ci l’été dernier dans sa Stratégie canadienne de lutte contre le racisme.
«L’adoption d’une définition assure une compréhension commune du phénomène de l’antisémitisme afin de de lutter contre ce fléau social.» -Extrait de la motion d’Ensemble Montréal
Opposition
La définition de l’IHRA ne fait toutefois pas l’unanimité. Plusieurs organismes critiquent certains des exemples soulevés dans celle-ci. On peut notamment y lire que «l’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive». L’IHRA précise toutefois ensuite que les politiques du pays peuvent faire l’objet de critiques.
L’IHRA associe par ailleurs l’antisémitisme au «refus du droit à l’autodétermination des Juifs, en affirmant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste».
Selon les Voix juives indépendantes Canada, cette définition a comme but de «criminaliser les critiques de fond à l’égard d’Israël et du sionisme et de supprimer le soutien aux droits des Palestiniens». Elle représenterait ainsi une atteinte à la liberté d’expression, selon l’organisme, qui a lancé une campagne intitulée noIHRA pour montrer son opposition à cette définition.
«On demande à la Ville de Montréal de ne pas adopter cette définition parce que le but de celle-ci est clairement de protéger Israël dans son traitement illégitime du peuple palestinien», déclare le coordonnateur de l’organisme, Corey Balsam, en entrevue avec Métro.
Plusieurs organisations juives rejettent toutefois ces critiques.
«Ce n’est pas du tout une définition qui vient interdire les critiques légitimes de l’État d’Israël. […] Les nombreux pays qui ont adopté la définition de l’IHRA n’ont pas interdit les mouvements de défense des droits des Palestiniens», réplique le directeur à la recherche et aux affaires publiques du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) au Québec, David Ouellette.
«Il faut lire la définition qui est là, qui dit clairement le fait de critiquer l’État d’Israël n’est pas antisémite. Je pense que c’est clair», réagit M. Perez.
Les élus montréalais débattront de cette motion pendant la prochaine séance du conseil municipal, qui aura lieu lundi après-midi.