Bird Canada veut «présenter sa version des faits» à l’administration Plante, qui a annoncé la semaine dernière son intention de mettre fin à la libre circulation des trottinettes électriques en 2020 dans la métropole. Aux yeux de l’entreprise, qui se dit «déçue» de cette décision, les citoyens apprécient pourtant d’avoir accès à une option de mobilité supplémentaire.
«Nous aimerions que la Ville de Montréal reconsidère sa décision […] afin d’étendre son processus d’évaluation sur une saison complète plutôt que sur un mois et demi d’opérations», écrit le PDG de Bird, Stewart Lyons, dans une lettre ouverte dont Métro a obtenu copie.
S’il avoue qu’il n’est «jamais simple» d’introduire de nouveaux modes de transport, M. Lyons est catégorique. «Bird est tout à fait en mesure d’assurer des services en micro-mobilité de classe mondiale aux Montréalais, dans le respect des règles en vigueur», tonne-t-il. La compagnie, dont la maison-mère est basée aux États-Unis, affirme que la demande a été «largement supérieure» au nombre de trottinettes électriques en circulation l’an dernier. «Plus de 225 000 trajets ont été réalisés à Montréal lors de la saison 2019. Il est clair que les Montréalais y ont pris goût», dit l’homme d’affaires.
Mercredi, en officialisant le non-renouvellement des contrats de Bird et de Lime, la Ville a plaidé s’être rendue à l’évidence devant un «constat d’échec» des opérateurs à faire respecter la réglementation municipale. Pendant le projet pilote, le SPVM a distribué 324 amendes de 60$ à des personnes qui ne portaient pas un casque de protection. Seules trois blessures légères ont toutefois été recensées.
Et le stationnement des trottinettes électriques?
Au-delà de l’aspect légal, Montréal fait aussi état d’une mauvaise cohabitation avec les piétons, alors que plusieurs engins ont effectivement été aperçus sur des trottoirs de la métropole cet été.
Mais pour Stewart Lyons, Bird Canada tentait justement de s’attaquer au problème. «Dès le départ, nous étions préoccupés par le fait que seulement que 410 aires de stationnement avaient été prévues pour 680 trottinettes, et nous avons soulevé ces préoccupations», note-t-il.
À peine une trottinette sur cinq a été stationnée dans une zone réglementaire, à Montréal.
«Malgré les problèmes de stationnement, le rapport de la Ville démontre que la première saison a été un succès.» -Stewart Lyons, PDG de Bird Canada
Bird affirme avoir «collaboré étroitement» aux discussions avec l’administration Plante pour ajuster la réglementation et développer de nouvelles stratégies pour responsabiliser les usagers. Une collaboration qui aurait justement permis «d’élaborer des solutions constructives» pour 2020, déplore-t-on.
Montréal «ouverte» à débattre
Jointe par Métro, la porte-parole au cabinet de la mairesse, Geneviève Jutras, avance que la Ville est «ouverte à collaborer avec les opérateurs dans le futur» si ceux-ci peuvent faire respecter le règlement à la lettre.
Mais pour cette année, la question est réglée: exit les trottinettes électriques, soutient-elle.
«[Un retour des trottinettes], ce n’est pas pour 2020. Nous avons été clairs en conférence de presse. Pour la saison 2019, il y a eu un taux de non-respect du stationnement de 80%.» -Geneviève Jutras, porte-parole de la Ville
Des experts mitigés
Pour le spécialiste en transport urbain à l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche, les bénéfices en matière de mobilité de la trottinette en libre-service doivent être clarifiés avant toute chose. «Par rapport au coût, on n’a peu de détails sur leur impact, juge-t-il. Je peux comprendre la décision de la Ville dans la mesure où ça devient strictement un objet de pollution urbaine très problématique.»
«Est-ce qu’on est allés trop vite? Ça se peut, mais collectivement, on n’a pas suffisamment de gains pour que ça vaille la peine. Montréal n’a pas non plus intérêt à jouer contre ses propres services comme BIXI.» -Jean-Philippe Meloche, expert en transport urbain
Chez Trajectoire Québec, le président François Pépin appelle Montréal à «se donner le temps» de redéfinir les besoins. Selon lui, l’une des solutions à envisager serait d’imposer des bornes de stationnement. Comme le fait BIXI.
«On verra comment ça évoluera avec les vélos JUMP. Mais c’est clair qu’il faut que ça change, dit-il. Un encadrement plus serré, avec des stations d’ancrage près du métro, ça pourrait aider. Peut-être pourrions-nous aussi aller là où il y a moins de BIXI sur le territoire», fait-il valoir.
Si la trottinette électrique demeure populaire, surtout chez les jeunes, ceux-ci ne doivent pas en assumer les coûts sociaux, observe pour sa part la chargée de programme en transports actifs chez Vélo Québec, Magali Bebronne. «Ce n’est pas à la collectivité de mettre en œuvre des moyens de réguler les nuisances provoquées par un opérateur privé qui fait de l’argent avec ça, conclut-elle. Ils n’ont pas été en mesure de se plier au règlement, ni de discipliner leurs usagers.»