Si l’industrie de la construction se dit prête à travailler dans un contexte de pandémie, le retard de livraison des logements sera impossible à compenser, surtout à Montréal, admet un regroupement d’entrepreneurs. Québec est appelé à imaginer des mesures d’hébergement temporaire pour soutenir les populations affectées.
«Malheureusement, c’est impossible que tout soit rattrapé à temps. C’est un retard irrécupérable», explique à Métro le vice-président aux affaires publiques de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation (APCHQ), François Bernier.
Celui-ci précise toutefois que des mesures peuvent être prises dans la population. «Il faut se serrer les coudes. Si une personne est moins pressée d’emménager, parce qu’elle a déjà une résidence secondaire, elle peut probablement accepter un report pour en aider d’autres», illustre M. Bernier. Idem pour les propriétaires et les locataires, qui devront faire preuve de flexibilité. «On doit tout faire pour éviter de ne pas exercer une pression additionnelle. C’est un immense service qu’on rendrait à tout le monde», ajoute le porte-parole.
Son groupe reconnaît par ailleurs que les gouvernements devront mettre sur pied des mesures d’urgence pour soutenir les citoyens affectés par le retard de construction. «Il y aura du logement temporaire à considérer, parce que les besoins vont être grands. De notre côté, on va faire appel à d’autres industries, comme les hôtels», promet le VP.
Des mesures sanitaires «au maximum»
Environ 7000 entrepreneurs ont été «contactés» dans les derniers jours pour s’assurer que les enjeux de distanciation ont été compris. Des fiches d’information seront distribuées au personnel lors de la réouverture des chantiers.
Hier, un guide de bonnes pratiques a été publié par la CNESST. Une «escouade de sensibilisation» de 70 membres interviendra aussi sur les chantiers, au besoin, pour réduire les risques. Du matériel sanitaire pourra être distribué aux travailleurs sur demande. Malgré tout, il faut demeurer réaliste, dit l’APCHQ.
«On va tout faire pour se plier aux règles. Mais c’est certain qu’il y aura des moments où les travailleurs vont se croiser, comme on le fait à l’épicerie. Il faut vivre avec ça. On ne peut pas arrêter un chantier parce que deux personnes se sont croisées dans l’escalier.» -François Bernier, parlant de «gros bon sens».
Les syndicats sur leurs gardes
Deux syndicats, la FTQ-Construction et le Conseil provincial des métiers de la construction (CPMC), surveilleront la situation de près. L’objectif serait de «vérifier l’applicabilité des nouvelles règles avant une réouverture progressive et complète».
Ils appellent à appliquer des «sanctions sévères, pouvant aller jusqu’à la fermeture d’un chantier» pour tous les entrepreneurs qui ne se conforment pas aux règles.
«Nous espérons aussi que le gouvernement prendra des mesures contre les entrepreneurs qui contreviendraient aux règles. C’est la seule façon de faire que cette reprise partielle soit un succès», dit le président du CPMC, Michel Trépanier.
Priorité aux logements sociaux, dit Montréal
Appelée à réagir mardi, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a indiqué que les logements sociaux et abordables «doivent faire partie des logements à prioriser». «Les besoins sont grands. Il y a probablement des personnes qui n’étaient pas dans la précarité jusqu’à récemment, mais qui viennent de basculer de l’autre côté», plaide-t-elle.
«On va être là pour tout ce qui touche les permis. Et s’il y a des citoyens qui sont inquiets, j’invite les gens à consulter le 311.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la coordonnatrice communautaire Véronique Laflamme est catégorique.
«La crise du logement existait déjà, bien avant la COVID-19. Ce qu’on vit ne vient qu’accentuer la pression sur les locataires. La relance de la construction, c’est une bonne nouvelle. Mais ça ne règle en rien la situation des déménagements.» -Véronique Laflamme, du FRAPRU
Chez la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), le porte-parole Hans Brouillette appelle pour sa part les autorités à se pencher sur les locaux vacants, dès cet été.
«Il y aura énormément de logements vacants à Montréal cet été. Surtout parce qu’il n’y aura pas de touristes pour réserver sur AirBnB. On va faire quoi avec ces logements-là? En les remettant sur le marché, on désengorgerait déjà facilement le secteur», conclut-il.
En collaboration avec Zacharie Goudreault