Le seul site d’injection supervisée (SIS) encore ouvert à Montréal est menacé de fermeture en raison d’un manque d’équipements de protection individuels pour prévenir la propagation du coronavirus. Une situation qui menace la sécurité de nombreuses personnes vulnérables.
En temps normal, la métropole compte trois SIS fixes situés dans différents secteurs de la métropole, ainsi qu’une unité mobile gérée par l’organisme L’Anonyme. Ces services permettent à des centaines de personnes de consommer des drogues dans de bonnes conditions hygiéniques et sous la supervision d’employés qualifiés. Ils permettent ainsi de prévenir les surdoses et la transmission de maladies comme le VIH.
Or, trois de ces sites ont fermé leurs portes dans les dernières semaines, faute de matériel médical, comme des masques et des visières, pour protéger leurs employés. C’est le cas de l’organisme Dopamine, qui gère un SIS de nuit dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.
«Nos services demeurent ouverts pour l’offre de matériel et de soutien, mais on a dû fermer notre salle d’injection supervisée depuis quelques semaines», confirme son directeur général, Martin Pagé. Ce dernier estime «inacceptable» cette situation, qui menace la sécurité de nombreuses personnes vulnérables. Selon lui, ces personnes deviennent d’autant plus à risque de faire des «surdoses» dans l’espace public.
«En pleine pandémie, il ne faut pas oublier la précarité sociale de certaines personnes dans notre communauté. Ces ressources sont vitales puisqu’elles peuvent sauver des vies», martèle-t-il.
Vendredi, Métro rapportait que de nombreux centres de désintoxication à travers la province ont dû fermer leurs portes par manque de financement alors que la crise du coronavirus vient complexifier leurs opérations.
«Ce sont des personnes qui sont encore une fois larguées. Ce sont de grands oubliés.» -Martin Pagé, directeur général de Dopamine
Le dernier SIS menacé
L’organisme Dopamine a reçu certains équipements ainsi que du gel désinfectant de la part du réseau de la santé, mais en nombre insuffisant pour conserver son SIS. Martin Pagé déplore d’ailleurs que le réseau de la santé n’ait envoyé personne pour permettre à ses employés de recevoir des «fit-test», qui permettent d’ajuster les masques pour que ceux-ci soient sécuritaires.
Le SIS de l’organisme Cactus Montréal, au centre-ville, demeure pour sa part ouvert malgré la crise sanitaire.
«On a mis en place des mesures à l’interne pour continuer à maintenir la totalité de nos services pendant la pandémie», assure le directeur général de l’organisme, Jean-François Mary. À Cactus aussi, toutefois, le manque d’équipements de protection se fait sentir.
«On a juste eu 100 masques pour deux semaines. Je pense que dans une crise de santé publique, le fait qu’on dépende des dons de la communauté pour survivre, ce n’est pas acceptable», déplore M. Mary, dont l’organisme compte 77 employés.
M. Mary craint d’ailleurs d’avoir à fermer le site s’il ne reçoit pas d’autres masques dans les prochains jours. Dans le contexte de la crise du coronavirus, ceux-ci sont essentiels, notamment pour les employés qui doivent intervenir auprès de personnes en crise après avoir consommé des drogues.
«Le jour où on manque d’équipements de protection, les équipes arrêtent de travailler. On ne peut pas se permettre d’exposer nos employés à des risques», souligne-t-il.
La situation est d’ailleurs déjà périlleuse pour de nombreuses personnes vulnérables qui demeurent loin du centre-ville de la métropole.
«C’est illogique pour nous, dans l’est, de penser que notre communauté va circuler pour aller dans le SIS du centre-ville», évoque Martin Pagé.
La ministre de la Santé à l’écoute
Contacté par Métro, le cabinet de la ministre de la Santé, Danielle McCann, a assuré prendre cette situation «très au sérieux» et travailler activement à résoudre ce problème.
«On est conscient de l’enjeu et on est en train de travailler là-dessus», a affirmé son attaché de presse, Alexandre Lahaie. Le CIUSSS du Centre-Sud devrait d’ailleurs fournir de nouveaux équipements de protection individuels à certains organismes qui gèrent des SIS d’ici lundi, a-t-il affirmé.
-Avec François Carabin, Métro