Alors que la Société de transport de Montréal (STM) rapporte une hausse d’achalandage global de 2,6% en 2019, dans son rapport annuel publié jeudi, des experts réitèrent qu’un retour à la normale prendra de trois à cinq ans. De quoi donner le temps à l’industrie d’entamer une réflexion «de fond» sur ses priorités, alors que le bus continue de perdre des plumes.
«Même avant la crise, le bus continuait sa chute vertigineuse et le métro était en hausse. Ça illustre que dans le contexte actuel, pour ravoir un retour de l’achalandage après la pandémie, il va falloir miser sur des nouvelles stations, des tramways, bref des systèmes structurants», explique à Métro l’expert en planification des transports, Pierre Barrieau.
D’après lui, le trauma causé par la COVID-19 dans le transport collectif fera en sorte qu’il faudra «probablement attendre entre trois et cinq ans» pour réatteindre les sommets d’achalandage.
La porte-parole de la STM, Amélie Régis, est plus prudente.
«Il est beaucoup trop tôt pour faire des estimations, car nous ne savons pas combien de temps cette crise va durer.» -Amélie Régis, porte-parole de la STM
Jusqu’ici, les diminutions d’achalandage sont de 90% pour le métro, de 80% pour les bus et de 86% pour le transport adapté. Selon Mme Régis, des «analyses» sont en cours actuellement pour déterminer si des projets importants, comme le prolongement de la ligne bleue, seront retardés ou revus en raison de la pandémie.
Le métro de la STM encore au sommet, mais…
C’est principalement à cause du métro, qui subit un bond de 4,5%, que la STM parle «d’hausses d’achalandage» dans son rapport. Le bus, pour lequel aucune donnée similaire n’est disponible à ce stade, continue néanmoins d’être de moins en moins prisé. D’ailleurs, le nombre des plaintes recensées dans le réseau du bus a bondi entre 2018 et 2019, passant d’à peine 30 000 à près de 43 000 signalements.
Autant de réalités qui rappellent que l’avenir de la mobilité se trouve probablement dans des nouveaux modes de transport rapides, selon le président de Trajectoire Québec, François Pepin.
«Si on veut vraiment atteindre une part modale équivalente à 35% – c’est l’objectif de la CMM d’ici 2030 – il va falloir commencer à construire des nouveaux systèmes à grande capacité de façon importante», raisonne-t-il.
«Il faudra aussi faire une révision de tous les autres types de mobilité alternatives à l’auto, donc le covoiturage, le taxi, les voitures autonomes. Éventuellement, l’idée d’un péage kilométrique va devenir nécessaire.» -François Pepin, de Trajectoire Québec
Penser plus «largement»
La spécialiste en mobilité et gestion urbaine, Florence Junca-Adenot, abonde relativement dans le même sens.
«La crise va nous inciter à réfléchir beaucoup plus largement pour transporter les gens. Il faut ajouter le télétravail au cocktail transport, mais aussi la place du vélo, des piétons, des voies réservées», envisage la sommité en transport collectif.
«L’après-COVID, ça va être de réfléchir en-dehors de la boîte. L’organisation va être revue dans plusieurs endroits. Dans l’immédiat, il faudra surtout redonner confiance.» -Florence Junca-Adenot
Un élu montréalais, lui, estime que le rapport annuel de la STM beaucoup «trop rose» pour la réalité. «On avance presqu’au même rythme que l’accroissement de la population. Il n’y a pas un grand saut significatif au niveau du nombre de clients, alors que la Ville a investi énormément dans le services», explique le conseiller de Snowdon, Marvin Rotrand.
Ex-membre du conseil d’administration de la société de transport, M. Rotrand ajoute que «mois après mois», le manque de bus se fait sentir. «Je dis souvent que c’a été la pire année pour les exigences de bus requis en heure de pointe, et ce depuis longtemps», dit-il.