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L’autobus à Montréal: un système qui «échoue», croient des experts

Un autobus de la STM
Photo: Pablo Ortiz/Métro

De 2012 à 2018, le réseau d’autobus de Montréal a perdu près de 34 millions de passages individuels, soit une moyenne d’environ 5 millions par année, selon des données obtenues par Métro. Cette tendance génère des questions sur la viabilité du circuit.

Le chargé de cours Pierre Barrieau, expert en planification des transports, condamne avec virulence le modèle d’autobus de la Société de transport de Montréal (STM). Selon lui, la chute totale de 13% en sept ans de l’achalandage du bus est «symptomatique d’une crise du transport en commun à Montréal».

Il constate que la formule de rabattement du bus vers le métro est abandonnée par les Montréalais, entre autres au profit des vélos BIXI.

«Plusieurs des lignes qui ont la chute d’achalandage la plus violente [dans les sept dernières années], ce sont des axes où on voit des déplacements en BIXI», souligne M. Barrieau.

Parmi les lignes qui ont perdu des plumes, on compte la 139 Pie-IX et la 121 Sauvé, dont les parcours sont désormais couverts par des travaux qui mèneront à la mise en place de services rapides de bus (SRB). En 2018, elles ont respectivement amassé 3,3 M et 3,5 M de passages annuels en moins qu’en 2012.

La 45 Papineau, la 69 Gouin et la 165 Côte-des-Neiges ferment la marche parmi les cinq lignes qui ont perdu le plus d’achalandage.

Selon M. Barrieau, «c’est parce que le transport en commun est si mauvais» que les usagers de la route adoptent le BIXI, qui a enregistré des records d’utilisation cet été.

Le professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal (UdeM) Jean-Philippe Meloche abonde dans le même sens. «La saignée des bus est plus importante que les gains du métro. Le réseau complet perd des joueurs. On n’est pas en train de développer le transport en commun à Montréal», constate-t-il.

Autres possibilités

En plus de se tourner vers BIXI, les ex-usagers de l’autobus peuvent même retourner à la voiture individuelle, pense M. Barrieau. «Le transport en commun est tellement peu prévisible que, des fois, on va prendre la voiture», observe l’expert en mobilité.

«Et en même temps, c’est la montée d’Uber, de Car2Go, toutes ces choses-là qui viennent gruger dans l’autobus», ajoute-t-il.

Selon M. Meloche, la perte d’utilisateurs va plus souvent qu’autrement se faire au sein du service d’autobus.

«Le seul moyen d’avoir plus de gens dans les autobus, c’est d’accroître les contraintes à l’usage de l’automobile», relativise-t-il.

300 nouveaux autobus

Des critiques qui surviennent alors que la STM, appuyée par la Ville de Montréal, fait mousser l’ajout de 300 autobus sur son circuit et l’augmentation de son offre de service. Selon Pierre Barrieau, cette décision aura très peu d’impact.

«Ces 300 autobus n’ajoutent presque pas de capacité. Leur rôle principal, c’est de compenser pour la perte de la vitesse moyenne des bus déjà en circulation», lance-t-il.

«Une ligne d’autobus qui avait besoin de dix autobus en a maintenant besoin de douze ou treize pour offrir la même fréquence» – Pierre Barrieau, spécialiste en planification des transports

Autobus «intra-quartier»

M. Barrieau invite la Ville à repenser le modèle actuel.

«À Montréal, on prend pour acquis que personne ne va avoir un autobus direct pour aller où il veut aller. On dit: tu vas prendre un autobus qui va t’amener au métro. Puis, du métro, on va t’amener au centre-ville», constate-t-il.

C’est «à l’intérieur d’un même quartier» que l’autobus devrait servir, soutient l’expert.

«Il y a plein de ville à travers le monde où les autobus ont le rôle de se déplacer à l’intérieur du quartier. À Los Angeles, ils font des circuits de deux à quatre kilomètres en boucle qui relient les pôles de résidences avec les commerces», explique-t-il.

Pierre Barrieau déplore l’attitude de la STM dans ce dossier. «On se fait dire qu’on n’a qu’à marcher, analyse M. Barrieau. Quand on dit que l’achalandage ne le justifie pas, c’est sûr que les gens ne prendront pas le bus. Ça devient un cercle vicieux.»

Achalandage de l’autobus depuis 2012:

  • 2012: 259,6 M
  • 2013: 260,6 M
  • 2014: 252,2 M
  • 2015: 236,1 M
  • 2016: 228 M
  • 2017: 225 M
  • 2018: 225,6 M

*À noter que, depuis 2017, sur les lignes ciblées et opérées par des bus articulés, les autobus permettent à des clients avec un titre admissible de monter aux portes arrières sans devoir valider.

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