Moins d’un an après l’inauguration du Complexe des sciences de l’Université de Montréal (UdeM), un rapport fait état d’une hausse des loyers et du nombre d’évictions dans le quartier Parc-Extension, un des plus pauvres de Montréal.
Des représentants d’organismes et des chercheurs universitaires ont réalisé un rapport d’une cinquantaine de pages détaillant les impacts du projet du campus MIL sur le marché locatif de Parc-Extension. Ce document fera l’objet d’une conférence de presse mercredi avant-midi à la place de la Gare Jean-Talon, près du métro Parc.
En septembre 2019, l’UdeM a inauguré en grande pompe son nouveau Complexe des sciences, qui compte plus de 2000 étudiants et environ 200 professeurs. Cet important établissement vitré ultramoderne s’inscrit dans un vaste projet de redéveloppement de l’ancienne gare de triage qui séparait Outremont du quartier Parc-Extension.
Hausse des loyers
Si ce projet, en cours depuis plusieurs années, a permis de désenclaver Parc-Extension, il a aussi eu des répercussions importantes sur son marché locatif. Les auteurs du rapport constatent notamment une hausse importante du prix des loyers dans les annonces mises en ligne dans les derniers mois. Dans plusieurs cas, les propriétaires soulignent la proximité du nouveau campus universitaire pour justifier cette facture mensuelle élevée.
«Ça nous donne l’impression qu’il y a une restructuration du marché locatif qui se fait pour accommoder l’arrivée du campus», souligne à Métro l’organisatrice communautaire du Comité d’action de Parc-Extension, Amy Darwish.
Ce nouveau campus universitaire crée surtout de la pression sur les logements de trois chambres ou plus, soit ceux conçus pour les familles. Il devient alors de plus en plus difficile pour ces dernières de trouver un appartement répondant à leurs besoins dans Par-Extension, où le taux d’inoccupation sur le marché locatif a chuté à 0,7% l’an dernier.
«Moins d’un an après l’ouverture du campus, les conséquences sont déjà très claires à Parc-Extension.»
Plus d’évictions
Les chercheurs constatent aussi une hausse des locataires forcés de quitter leur logement. Entre janvier 2018 et la mi-mars 2020, les auteurs du rapport ont identifié 48 dossiers à la Régie du logement concernant des locataires ayant reçu un avis d’éviction. La Régie a ensuite suspendu ses audiences en raison de la crise sanitaire, avant de les reprendre progressivement depuis lundi.
«Il y a beaucoup de locataires qui pourraient se retrouver à la rue cet été», appréhende Amy Darwish.
Le CAPE a d’ailleurs reçu 123 demandes de locataires ayant reçu un avis d’éviction, de reprise de logement ou de rénovation majeure entre mai 2018 et février 2020. Un nombre qui serait en hausse depuis quelques mois, selon l’organisme.
«Le fait que les résidents et les résidentes, mais aussi les groupes communautaires, se se sentent forcés de quitter le quartier, ça vient nuire à l’offre de services dans le quartier», soulève l’étudiant au doctorat en sociologie à l’UQAM, Emanuel Guay, qui a pris part à cette recherche.
Résidences étudiantes
Dans le cadre du projet du campus MIL, la Ville de Montréal et l’UdeM ont pris l’engagement de limiter les impacts de ce projet sur le marché locatif. L’administration municipale a notamment acquis l’an dernier un terrain dans le secteur d’une valeur de 1,2 M$ afin d’y aménager au moins 95 logements. À terme, quelque 1300 logements seront construits sur le site du campus MIL, dont 30% de logements sociaux ou abordables.
Des groupes communautaires craignent toutefois que plusieurs de ces logements, réalisés en bonne partie par des entrepreneurs privés, soient trop dispendieux pour plusieurs étudiants du campus. Ces derniers risquent donc de continuer à faire pression sur le marché locatif du quartier.
Le rapport propose donc que l’UdeM mise sur la construction de résidences étudiantes à but non lucratif.
«Pour nous, c’est une des principales stratégies pour freiner la gentrification dans Parc-Extension», souligne M. Guay. Cette option n’est toutefois «pas dans les plans» de l’UdeM, a confirmé sa conseillère principale en communications, Geneviève O’Meara.
Par courriel, cette dernière a rappelé les différentes initiatives prises par l’UdeM dans les dernières années afin de consulter les citoyens et les groupes communautaires sur le projet du campus MIL afin d’en «maximiser les impacts positifs».