Alors que l’arrondissement de Ville-Marie peaufine un règlement qui vise à contrer le phénomène des «rénovictions», des organismes craignent que des promoteurs continuent malgré tout de profiter de la vulnérabilité des locataires de maisons de chambres pour les évincer.
Les élus de Ville-Marie ont adopté en deuxième lecture, ce mercredi, un projet de règlement qui vise notamment à interdire les subdivisions et les divisions de logements, sauf exceptions. L’arrondissement espère ainsi empêcher des propriétaires de réclamer un permis de rénovation dans le seul but de justifier des évictions de locataires. Ils peuvent ensuite gonfler le loyer de leurs logements.
Le projet de règlement prévoit aussi d’interdire la conversion de maisons de chambres en logements. Les maisons de chambres, dont le nombre n’a cessé de diminuer à Montréal dans les dernières décennies, représentent souvent le dernier rempart contre l’itinérance pour des personnes vulnérables. Il s’agit d’immeubles de plusieurs chambres où les locataires partagent différentes commodités, comme la cuisine et la salle de bain. Le loyer moyen y était d’environ 450$ par mois l’an dernier, dans la métropole.
«Dans les quartiers centraux, ça devient de plus en plus difficile de conserver des maisons de chambres rentables et c’est là que des problèmes se présentent», soulève à Métro le directeur général de l’organisme Le PAS de la rue, Vincent Morel.
Les évictions se poursuivent
Le règlement, qui devrait entrer en vigueur officiellement d’ici l’automne, prévoit déjà un effet de gel sur l’octroi de permis pour les types de travaux ciblés.
Or, des organismes craignent que des promoteurs continuent malgré tout de procéder à des évictions dans des maisons de chambres. Le Comité logement Ville-Marie fait notamment état d’une maison de chambres située sur la rue Saint-Christophe, à cinq minutes à pied de la station de métro Berri-UQAM. Le propriétaire de l’immeuble de 18 chambres réparties sur trois étages aurait commencé dans les derniers mois à demander à ses locataires de quitter les lieux, où il entend réaliser des travaux de rénovations.
«Ils ont utilisé différents moyens pour faire signer des papiers pour faire partir les locataires. Au final, il ne reste presque plus personne», affirme à Métro l’organisateur communautaire du Comité logement Ville-Marie, Gaétan Roberge.
Ce processus est légal, précise M. Roberge, car la maison de chambres conservera son statut actuel. Il appréhende toutefois qu’après avoir rénové ces chambres, le promoteur n’en augmente drastiquement le prix du loyer, laissant ses anciens locataires démunis.
Contacté par Métro, le propriétaire de l’immeuble a nié ces informations, affirmant que seuls les locataires «qui ont été jugés pour non paiement de loyer» ont quitté les lieux. Il assure aussi que la maison de chambres conservera son usage actuel.
«Il y en a une partie qui vont se retrouver dans la rue ou dans des refuges.» -Gaétan Roberge
Un règlement à peaufiner
Dans un mémoire déposé dans le cadre de la consultation publique entourant ce règlement, le Comité logement Ville-Marie propose que les projets de rénovation de maisons de chambres prévoient «le maintien dans les lieux, avec baux, des chambreurs en place».
«Même si ce règlement est génial et est attendu depuis longtemps, il y a quand même une marge de manœuvre qui permet aux propriétaires de faire des rénovictions», constate également l’intervenant Pierre Point, du PAS de la rue. Il souligne d’ailleurs qu’il peut être «très difficile» pour des locataires de maisons de chambres victimes d’une éviction de trouver un nouvel endroit où emménager.
Locataires vulnérables
En plus d’avoir généralement des revenus limités, 58% des locataires des maisons de chambres dans la métropole souffriraient d’au moins un problème de santé physique chronique, selon un rapport publié en 2017 par la Direction régionale de santé publique de Montréal. Les locataires emménagent d’ailleurs souvent dans des maisons de chambres sans signer un bail au préalable, ce qui les rend plus vulnérables à des évictions.
«Je connais une personne qui en quelques jours a été mise dehors parce que sa chambre était un peu insalubre», raconte M. Point.
Contacté par Métro, le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a reconnu que le règlement sur lequel travaille l’arrondissement de Ville-Marie «ne peut régir le non-respect des ententes de location entre propriétaires et locataires». Il propose ainsi aux locataires «victimes de rénovictions» de se tourner vers les services de relogement offerts par la Ville.