La vérificatrice générale de la Ville de Montréal (VG), Michèle Galipeau, n’a pas reçu suffisamment d’informations «probantes» pour réaliser un audit sur un rapport préélectoral. Une révélation qui soulève l’ire de l’opposition officielle.
Mme Galipeau a tenu une séance plénière de 45 minutes mardi, à 10h30, devant les élus du conseil municipal. Celle-ci faisait suite à une demande de l’opposition officielle à l’hôtel de ville inscrite dans une motion.
En novembre dernier, le conseil municipal a accepté de retirer le mandat à la VG pour effectuer un audit sur un rapport préélectoral sur l’état des finances de la métropole que complétera cet été le Service des finances de la Ville.
Les démarches du bureau de Michèle Galipeau auraient permis d’avoir une analyse indépendante de l’état des finances de la Ville et des prévisions à cet égard. Les élus auraient alors pu se baser sur les constats de la VG pour bâtir leur plateforme électorale en prévision de la prochaine élection municipale, qui aura lieu en novembre.
Cependant, malgré des demandes répétées depuis quelques années, la VG n’a pas eu accès aux informations suffisantes de la Ville pour réaliser cet audit, a confirmé Mme Galipeau mardi. Cette dernière a ainsi détaillé pour la première fois les raisons qui l’ont amenée à refuser cette mission le 16 octobre dernier. La VG a d’ailleurs remis à la Ville la somme de 900 000$ qu’elle avait obtenue pour accomplir ce mandat.
«La mise en place d’un rapport préélectoral nécessite un travail colossal qui ne doit pas être sous-estimé.» -Michèle Galipeau, vérificatrice générale de la Ville de Montréal
Des informations «incomplètes»
Les documents fournis par la Ville à la VG ne permettent notamment pas d’avoir «l’état de la dette à long terme». Les prévisions de la Ville ne tiennent par ailleurs pas compte des «résultats financiers les plus récents» de la métropole, indique le document de présentation de Mme Galipeau, dont Métro a obtenu copie. Or, la pandémie a eu des impacts importants sur la situation financière de la Ville.
«Il est impératif, afin que nous puissions donner une opinion, d’avoir des pièces justificatives suffisantes», a expliqué Mme Galipeau dans sa présentation devant les élus, mardi. Or, «les informations qui nous ont été fournies à ce jour sont incomplètes», a-t-elle ajouté.
C’est donc avec regret que Mme Galipeau a dû laisser tomber ce mandat, après avoir entamé plusieurs démarches dans les dernières années pour atteindre cet objectif.
La VG s’est notamment rendue à Québec pour tirer des leçons de l’exercice d’inspection du rapport préélectoral en place à l’Assemblée nationale depuis 2018. Elle a aussi fait appel à plusieurs «experts» de même qu’à d’anciennes vérificatrices générales qui ont oeuvré dans le milieu municipal. «On a fait beaucoup de travail», a évoqué Mme Galipeau.
L’opposition fulmine
Les explications de la VG pour expliquer son incapacité d’inspecter l’état des finances de la Ville ont fait sursauter l’opposition officielle.
«J’ai une incompréhension pourquoi les services n’ont pas pu vous donner ces informations et je comprends qu’il y a eu des demandes à répétition. Pour moi, c’est choquant. Je sais que la Ville a ces informations-là», a lancé le chef intérimaire d’Ensemble Montréal, Lionel Perez. Ce dernier estime donc qu’il y a eu «un manque de collaboration des services de la Ville» pour répondre aux «demandes répétées» de la VG.
À cet égard, Mme Galipeau a assuré avoir reçu dans les dernières années certaines informations de la part de la Ville. Il s’agit notamment de courriels et «d’extraits du budget de l’année précédente». «Mais ce n’était pas des éléments suffisants pour convenir qu’on pourrait émettre une opinion», a réitéré la VG.
«À un moment donné, je ne peux pas faire des miracles. Je travaille avec les informations qu’on me fournit», a-t-elle renchéri.
Pour le conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand, le constat est clair. «C’est une perte pour la démocratie», a-t-il laissé tomber pendant la séance plénière.
Je suis choqué, abasourdi et sans mots face aux constats de la VG. C'est un rapport dévastateur à l'égard de la ville qui démontre une manque de volonté. #polmtl
— Lionel Perez (@lionelperez) January 26, 2021
L’administration Plante se défend
Des élus de l’administration de Valérie Plante ont pour leur part fait valoir que l’incapacité de la VG de remplir ce mandat revient de la complexité de ce processus, et non pas de l’inaction de la Ville, comme l’a fait valoir l’opposition.
«Je ne sens pas qu’il y a eu un manque de collaboration de l’ensemble des services. Je sens que c’est un dossier qui demande d’être plus approfondi», a notamment affirmé la conseillère de Projet Montréal et membre du comité d’audit de la Ville, Laurence Lavigne Lalonde. «C’est un dossier énorme», a convenu Mme Galipeau.
En début d’après-midi, le président du comité exécutif, Benoit Dorais, a pour sa part souligné que certaines informations demandées par la VG «n’existent pas».
«Les sytèmes informatiques ne permettent pas de produire les documents [demandés] dans les normes de la vérificatrice générale», a-t-il également fait valoir. L’élu a par ailleurs assuré que le Service des finances réalisera malgré tout un rapport sur les revenus et les dépenses de la Ville, comme prévu, même si la VG ne pourra inspecter celui-ci.
En janvier 2018, l’administration municipale s’était engagée à demander à la VG de réaliser un audit sur un rapport préélectoral sur les finances de la Ville. Mme Galipeau avait ensuite reçu un mandat officiel en ce sens en août 2019.