Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne 51, direction ouest. Lundi. Il est 8 h 10.
La journée commence, tout comme la semaine. Cinq jours ouvrables qui s’annoncent, pour la plupart d’entre nous, assez chargés.
Une semaine qui semble être une montagne enneigée à escalader, alors que la petite énergie du milieu de l’hiver nous rendrait plus efficaces dans un hamac, à nous bercer à l’ombre d’un palmier. Quoi? On peut bien rêver! Ça ne coûte rien et en plus ça donne des miles aériens… imaginaires.
À bord du 51 matinal est assise à mes côtés une jeune fille de peut-être 15 ans, que j’imagine étudiante puisqu’elle porte un uniforme de fille qui étudie. Elle tente avec persévérance de texter. Ce qui n’est pas gagné, car son pouce droit est momifié dans une catin. Elle a dû se casser ou se fouler le doigt. En skiant ou en textant trop peut-être?
Embarrassée par son état, elle échappe son appareil dans l’allée mouillée pleine de slotche. Je le ramasse et le lui tends. Elle me remercie en soupirant et reprend sa «correspondance».
Elle tape une lettre à la fois. Son appareil est placé en équilibre sur son sac d’école, qui est lui-même posé en équilibre sur ses genoux. Ce lutrin précaire lui permet de composer avec son index. Mais la rédaction est laborieuse et la jeune fille pas trop patiente. Nous voici face à une situation où la technologie rencontre les limites de l’humain qui l’exploite. Et l’humaine en question, ici, semble vraiment atteindre des sommets de contrariété.
C’est fou quand même ce que la modernité a introduit dans notre quotidien pour nous faciliter la vie. Et c’est aussi fou la manière dont on se la complique, la vie, pour rester fidèle à tous ces outils.
C’est alors que ma voisine au doigté hypothéqué semble avoir une idée de génie. Elle empoigne son téléphone, compose un numéro et porte l’appareil à son oreille.
«Allo… Me prendrais-tu un muffin à la cafétéria s’il te plaît? Merci… À tout de suite!»
Voilà. En à peine sept secondes, c’était réglé. Un bon vieil appel à l’ancienne. Ce qui nous rappelle que, finalement, c’est à ça aussi que ça sert, un téléphone!