Montréal

Deux vitesses

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Chronique. Ligne 55 direction nord et station De Castelneau. Nous sommes mardi, il est 18 h 50.

Nous sommes à quelques arrêts du métro. Nos destinations finales approchent – nos maisons, nos apparts et, pour certains d’entre nous, également, nos vêtements mous.

Il y a dans le bus une langueur et un lâcher-prise généralisés. Chez les dames, les coiffures sont un peu ébouriffées et le maquillage moins clairement dessiné qu’il devait l’être ce matin. Les rouges à lèvres sont devenus un souvenir à peine rosé et les ombres à paupières se sont estompées.

Les hommes, eux, ont dénoué leur cravate et arborent pour la plupart des peignures joyeusement hirsutes. Avachis confortablement sur leurs sièges, ils se pratiquent en vue d’un imminent atterrissage sur leur lazy boy.

Mon regard s’arrête bientôt sur la couverture du livre que lit ma voisine d’en face. Assise bien droite sur sa banquette, cette dernière est plongée dans un ouvrage intitulé Thinking Fast and Slow. Le titre de sa lecture est totalement en phase avec le constat que je fais de cette fin de journée tout en lenteur.

Je réalise que même le bus avance à pas de tortue sur le boulevard Saint-Laurent.

La lectrice tourne les pages tout doucement, suivant le rythme d’un crépuscule qui, à la différence des matins pressés, ne se laisse pas bousculer. C’est franchement agréable de se laisser ainsi couler, comme le temps d’un sablier. Les obligations dressées au garde-à-vous du matin nous obligent souvent à foncer tête baissée et à toute vitesse dans la journée.

Maintenant, c’est le tempo mollo qui domine.

Ainsi fonctionnent nos deux vitesses au plancher. Fast and slow. Rarement atteint-on quelque chose entre les deux. Le bus s’arrête à la station. La majorité des passagers y descendent pour gagner le quai de l’une ou de l’autre des directions.

Seul le métro qui arrive en trombe vient faire mentir ma théorie. Nous, nous resterons encore pendant quelques heures dans notre lenteur. Du moins, on peut l’espérer, jusqu’à demain matin.

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