La jambe prosthétique de Sofia Benzakour ressemble tellement à sa vraie jambe que c’est plutôt sa démarche qui trahit son handicap. Les regards questionneurs de certains inconnus qui la voient boiter et l’inconfort de la prothèse ne découragent pourtant pas la jeune femme de 28 ans, née avec une malformation de la jambe droite, qui maintient une vie sociale et active.
Ni vu ni connu, Sofia porte une prothèse fémorale, du haut de la cuisse jusqu’au pied, qui imite les formes et proportions de son corps. «Mon look préféré, c’est quand mes jambes sont le plus possible symétriques en jupe ou en pantalon, avec un revêtement esthétique en mousse qui passe inaperçu», souligne Sofia, en entrevue avec Métro.
Une mousse en PVC, de la même couleur de la peau de Sofia, recouvre la prothèse et lui donne l’apparence d’une jambe biologique. Chaque année, le prothésiste redonne la forme flatteuse au revêtement, qui s’affaisse avec le temps.
Née à Casablanca, au Maroc, avec une malformation congénitale appelée déficience fémorale focale proximale, le pied de la jambe droite de Sofia arrivait à la hauteur du genou de sa jambe gauche. Pour rendre ses jambes parfaitement symétriques, avec deux genoux alignés, Sofia a dû subir une opération de désarticulation du pied à l’âge de 11 ans. Le pied de sa jambe malformée a été amputé pour que le moignon de sa jambe courte arrive à la hauteur du genou de l’autre jambe.
La paix avec le regard des inconnus
L’été de ses 24 ans, Sofia a pour la première fois porté une robe avec une prothèse non réaliste. «La prothèse ne ressemblait plus à ma jambe. À ce moment-là, les gens ont compris que je portais une prothèse et ils ont arrêté de me fixer [du regard]. Cela a fait un switch en moi. Je ne trouve plus cela insultant ou choquant quand les gens me regardent longtemps [quand je porte une prothèse réaliste]», partage Sofia.
«Mon handicap ne me caractérise pas», revendique Sofia, dont la prothèse fait partie intégrante de son corps. Pourtant, sa démarche boiteuse éveille des questions maladroites – «Es-tu correcte?» «Qu’as-tu à ta jambe?» «Tu veux t’asseoir?». Des questions que déplore la jeune femme, qui indique qu’elle ne va jamais se présenter en disant «Allo, je m’appelle Sofia et je porte une prothèse!»
Pour Sofia, c’est important de «faire la paix avec le fait qu’on me remette mon handicap dans ma face, alors que je veux juste vivre une vie normale.»
Une vingtaine de prothèses
La prothèse est adaptée à l’évolution du corps des personnes amputées. «Quand on grandit, on change chaque année de prothèse, comme de chaussure», confie Sofia, qui en a eu une vingtaine.
En cas de prise de poids, de croissance, de bris ou pour combler un nouveau besoin comme le sport, la Régie de l’assurance maladie du Québec ne rembourse la fabrication d’une nouvelle prothèse que tous les cinq ans.
Une randonnée de plusieurs heures est inimaginable pour Sofia. Le sol irrégulier et la prothèse qui «n’est jamais parfaitement confortable à 100%» limitent sa mobilité à 15 minutes. En revanche, elle apprécie les balades en tricycle et en trottinette l’été, avec son compagnon et leur chien.
Quelques statistiques
Les femmes en situation de handicap sont moins nombreuses, mais plus jeunes comparé aux hommes, d’après des données que Statistique Canada vient de publier. Ainsi, on compte trois femmes pour quatre hommes handicapés. Les femmes ont en moyenne 58 ans, contre 71 ans pour leurs comparses masculins.
Les incapacités les plus courantes touchent la mobilité (35,6%), la santé mentale (17,8%), l’habillement (15,1%), l’élocution (10,5%) et l’audition (7,8%).
Sofia fait partie des 0,6% des gens amputés à la suite d’une malformation congénitale. Le Consortium national de formation en santé identifie que les amputations les plus fréquentes sont causées par le diabète (65,4%), des maladies vasculaires (25,6%), des accidents traumatiques (6%) et le cancer (1,8%).