Montréal

Le(s) parfum(s)

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Pour la période estivale, la chronique Hors du commun se déplace vers d’autres lieux de transport en commun. Question de voyager ensemble, un peu plus loin.

Aéroport Pierre-Elliott Trudeau, départs internationaux, un jeudi soir de juillet.

Les aéroports sont des endroits étranges. Personnellement, je les adore. Ce sont des endroits où on peut par moments effleurer la vraie liberté du bout des doigts. Parce que soudainement, on prend conscience qu’on est nulle part et potentiellement partout à la fois.

Puis en ces lieux, la relation au temps aussi semble autre. Un peu suspendue. Les heures s’étirent. Il y a parfois les décalages horaires qui nous désorientent et, souvent, de l’attente. Beaucoup d’attente.

J’ai justement un bon 90 minutes à tuer avant l’embarquement et je décide d’aller flâner à la boutique hors taxe, question de me créer des besoins.

C’est là que je l’aperçois. Une dame fabuleuse, charpentée comme une Viking, qui butine, tout excitée, d’un parfum à l’autre. Elle est suivie par son mari qui, lui, est tout petit. Elle est très chic. Ce qui me rappelle qu’il existe deux types de voyageurs : ceux qui adoptent les vêtements mous zéro-gracieux-limite-pyjamas et ceux qui arborent l’élégance des grands événements. Cette dame pourrait presque franchir les portes d’une salle de bal. Elle porte une spectaculaire robe rouge et des escarpins vertigineux qui ajoutent au moins trois pouces à ses cinq pieds neuf.

Elle se vaporise allègrement de fragrances de toutes sortes. Muguet, rose, vanille, bois de santal, cardamome. Les odeurs chyprées, les notes d’agrumes et les bouquets floraux valsent ensemble en se pilant un peu sur les pieds et en agressant, au passage, les narines du cavalier de notre extravagante Hildegarde.

L’époux indisposé s’éloigne de plus en plus, alors que sa conjointe insiste pour qu’il hume son poignet : «Sens! Sens! J’hésite entre celui-là et…

– Et les quarante autres!?!?» de dire le mari en reculant.

Je les ai revus dans l’avion, assis côte à côte. Je ne sais pas pour quel parfum elle a finalement opté. Mais lui avait la mine un peu vert-de-gris et enfouissait son nez dans son écharpe. Il reluquait avec envie un siège inoccupé à quelques allées de distance. Plus tard, alors que sa femme était endormie, j’ai remarqué qu’il s’y était réfugié et qu’il respirait enfin. Librement.

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