Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne 24 direction Est. Lundi, 18 h 30.
Il y a des jours où on dirait que notre corps est un aimant et qu’on attire les autres vers soi. Pas dans le sens charismatique, mais plutôt dans le sens punching bag de la chose.
Un face à face suivi d’un coup de coude dans un flanc qui, lui, aura été précédé par une collision d’épaules. C’est ce que subit la dame qui se tient devant moi.
En moins de trois minutes, elle a essuyé tous ces entrechoquements involontaires, mais néanmoins heurtants. Et voilà maintenant qu’un étudiant pose son gros sac à dos mou sur le pied droit de la victime pendant qu’un homme lui accroche le derrière de la tête avec son bras droit.
Le bus, qui s’était arrêté à un feu rouge, redémarre brusquement. Deux passagers assez baraqués, mais peu solides sur leurs jambes, perdent alors l’équilibre et se retrouvent de chaque côté de la dame qui semble coincée entre deux parenthèses massives.
Elle soupire fortement en essayant de se déprendre. Puis, une jeune femme enrobée, réalisant que le prochain arrêt est le sien, se lève comme une furie et bondit vers la sortie en prenant bien soin de tamponner fortement sur son passage notre dame- piñata. Qui explose sans libérer une cascade de bonbons mais bien un «HEY!!! ÇA VA FAIRE!!!!» retentissant.
Son exclamation en a fait sursauter certains et sourire d’autres qui, comme moi, avaient été témoins des bousculades. Nous étions, devant son cri, collectivement soulagés pour elle. Pour toutes ces fois où nous nous sommes sentis nous aussi comme des punching bags. Pour toutes ces fois où on nous a marché sur les pieds et où nous avons ravalé notre douleur, sinon notre contrariété.
Nous aurions peut-être dû nous joindre à elle et faire de ce «ÇA VA FAIRE» un cri de ralliement solidaire. On se promet de le faire la prochaine fois? Que ce soit pour d’autres ou simplement pour soi.