Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Autobus, ligne 80. Direction Sud. Mardi. Il est 11 h 30.
Le bus s’arrête coin Prince-Arthur et Bleury pour laisser monter quelques passagers. Parmi ces derniers se trouve un homme que je reconnais tout de suite à sa barbichette argentée et surtout à son énergie. Un être inépuisable depuis toujours et à jamais. Il est habité par une force. Animé par une passion à laquelle il est indéfectiblement loyal depuis les années 1960 : le cinéma.
Il a été, entre autres, propriétaire et programmateur de salles de cinéma répertoire. A vu apparaître les VHS et les Beta. A compris la menace que cela représentait pour le grand écran, mais en être sensible et stratégique qu’il était, il aura fait de cet ennemi potentiel un allié. Ceci en ouvrant à son tour des clubs vidéo qui offraient un vaste choix de films rares ou classiques.
Il a évidemment dû composer avec l’arrivée des DVD, Blu-ray et des systèmes sophistiqués de cinéma maison munis d’un subwoofer et d’un machin Dolby surround qui poussaient les cinéphiles, même les plus convaincus, à rester bien au chaud dans leur salon. Il a aussi vu pousser les Mégas Plex aux projections numériques et aux bancs comparables à des La-Z-Boy envahir le marché.
Cet homme, à qui nous devons aujourd’hui le Cinéma du Parc, a su au fil des décennies jongler avec ses ambitions, son sens éthique et son amour pour le 7e art.
Sa vie n’a pas toujours été waltdisnesque. Il a dû souvent penser à Don Quichotte, parce que c’est aussi un rêveur et l’industrie a les dents longues. Il a mené sa petite barque en essayant de ne jamais perdre le cap, se prenant de temps en temps quelques grosses vagues sur la gueule.
Pourquoi je vous parle de lui aujourd’hui? Parce qu’il se trouve parfois sur notre chemin des êtres qui, sans le savoir, changent un peu notre vie. Je tenais aujourd’hui à saluer cet homme, car il a été déterminant pour plusieurs, dont je suis. Il m’a non seulement engagée pour mon tout premier travail d’étudiante dans un de ses cinémas, mais c’est grâce à lui que j’aime à ce point les films et qu’ils font intensément partie de ma vie. Je crois ne jamais avoir eu l’occasion de lui dire merci.
Alors voilà. Monsieur Smith, à vous qui êtes comme l’art que vous défendez, un plus grand que nature : un immense merci.