MONTRÉAL – Les enquêteurs André Noël et Éric Desaulniers, de la Commission Charbonneau, ont constaté d’étranges calculs et interprétations de codes qui ont permis de considérer un stationnement extérieur étagé comme un stationnement souterrain au Centre universitaire de santé McGill.
L’urbaniste consultant pour le consortium SNC-Lavalin_GISM, Marc Perreault, a réussi à convaincre les urbanistes de l’arrondissement Côte-des-Neiges_Notre-Dame-de-Grâce que le stationnement de l’hôpital anglophone de Montréal de huit étages, que l’on voit nettement poindre depuis la rue, était en fait… un stationnement souterrain.
Pour parvenir à considérer ce stationnement extérieur étagé comme un stationnement souterrain, le calcul du niveau du sol a été fait depuis le boulevard Décarie plutôt que la rue Saint-Jacques. Autrement dit, comme les bâtiments sont construits sur un terrain qui n’est pas plat, les calculs ont été faits depuis le point le plus haut plutôt que le point le plus bas.
Pourtant, l’appel de proposition était clair depuis 2008: le stationnement devait être souterrain et compter un minimum de 1800 places. Les deux consortiums rivaux: SNC-Lavalin_GISM (Groupe immobilier de santé McGil) et PCUSM en avaient été informés.
Les enquêteurs Noël et Desaulniers ont constaté qu’une demande de dérogation concernant le stationnement a été présentée par SNC-GISM, et à la dernière minute. De plus, même si cette dérogation était importante, elle n’a pas été comuniquée au consortium rival PCUSM, en contravention des règles.
«C’était vraiment une stratégie de SNC-Lavalin de faire ce genre de demande de dérogation extrêmement importante qui n’a pas été portée à la connaissance du consortium rival. Et c’était une stratégie de la direction de SNC-Lavalin», a commenté M. Noël.
Un stationnement souterrain coûte beaucoup plus cher qu’un stationnement extérieur, même étagé, parce qu’il nécessite plus d’excavation, mais aussi de ventilation et de chauffage, a noté M. Noël.
Dès l’été 2009, on savait que le «critère d’abordabilité» de 1,3 milliard $ du gouvernement ne pourrait être respecté par les soumissionnaires. Il fallait donc trouver moyen de réduire les coûts pour le respecter, d’où la stratégie de SNC-GISM de modifier le stationnement.
En transformant son stationnement, SNC-GISM réduisait ses coûts de 25 millions $.
Ultimement, «les économies qu’ils faisaient sur le stationnement, ils ont pu les mettre sur la bonification de leur projet d’hôpital», a ajouté M. Noël, car en plus, SNC-GISM a obtenu les croquis techniques du consortium rival.
En cours de route, pour permettre de respecter le critère d’abordabilité, on a retiré le stationnement du partenariat public-privé. Et on a choisi de compenser les soumissionnaires pour les revenus dont ils étaient ainsi privés.
Autre anachronisme: le nombre de places de stationnement n’a cessé de croître, parce qu’on a choisi une grille de compensation qui donnait de plus en plus d’argent à mesure que le nombre de places augmentait.
Ainsi, alors que l’appel de proposition parlait d’un minimum de 1800 places, la proposition de SNC-GISM a été haussée à 2735 places. Et finalement, le CUSM s’est retrouvé avec 2852 places.
C’est ce qui a fait dire au commissaire Renaud Lachance, avec une point de sarcasme: «Heureusement, qu’il y avait quand même des hôpitaux à construire sur le site, sinon ils auraient pu faire juste du stationnement».
Donc, avec cet étrange PPP, le risque a plutôt été transféré au gouvernement pour ce qui est du stationnement.
«Si les revenus du stationnement ne sont pas au rendez-vous, le stationnement va créer un déficit que le CUSM va supporter pendant toutes ces années. Au lieu d’être payant et de servir à générer des revenus qu’on met dans une fondation, là ça va s’ajouter dans les déficits potentiels que pourrait faire l’établissement dans les prochaines années», a résumé le commissaire Renaud Lachance.
Huit personnes font face à des accusations dans ce dossier, parmi lesquelles Arthur Porter, ex-directeur général du CUSM, et Pierre Duhaime, anciennement de SNC-Lavalin.