Montréal

La princesse ordinaire

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Arrêt ligne 47, direction Ouest. Nous sommes mardi, il est 9 h 20.

La lumière des matins d’août est assez imbattable. On dirait de l’or liquide qui illumine les paysages.

Aujourd’hui, un autre élément vient bonifier ce mardi qui commence: une petite fille d’environ six ans qui tourne autour du poteau de l’arrêt d’autobus.

L’enfant est en joie. La journée ne sera pas ordinaire.

Peut-être est-ce son anniversaire, peut-être a-t-elle perdu une dent la veille? Peu importe, aujourd’hui est un jour spécial parce qu’elle a eu le droit de choisir ses vêtements elle-même, toute seule. L’enfant, donc, virevolte à toute vitesse autour du poteau, vêtue d’un accoutrement spectaculaire.

Elle porte un costume de princesse qui consiste en:
– une robe très longue, bouffante et rose de princesse;
– des bas roses et des chaussures roses de princesse;
– des gants de satin rose de princesse;
– un collier de perles roses de princesse;
– et, pour couronner le tout, un diadème serti de pierres… roses… de princesse.

Elle tourne toujours, mais maintenant sur elle-même, pour faire bouffer les volants de sa tenue spectaculaire.

Son ego se gonfle, par la même occasion: «Je suis la plus belle! Je suis la plus belle!»

Quand elle s’arrête enfin, elle titube, étourdie par sa performance. Elle a l’air d’une souveraine saoule.

Elle tente de garder l’équilibre en prenant le bras de sa reine mère, mais s’enfarge dans la bordure de sa robe. Comme un flamant (rose) maladroit, elle s’empêtre dans ses longues pattes et s’étale de tout son long. «Louise! Es-tu correcte?» s’inquiète la mère en aidant sa progéniture à se relever.

La petite se ressaisit. Humiliée, elle se défait de la prise maternelle et bienveillante, puis se renfrogne.

Elle croise les bras sur sa poitrine et adopte non pas une banale baboune, mais bien une moue royale. Elle se demande si le fait d’être piquée dans son orgueil fait encore plus mal quand on est une princesse.

Dans le doute, elle retire sa couronne, sacrifiant ainsi un bout de merveilleux au profit de l’ordinaire. Ce qui, au fond, n’est pas mal du tout. Surtout quand on est une petite fille en vacances, au mois d’août.

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