Le militant français José Bové croit qu’il est encore temps d’avoir un débat public sur l’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne, qui doit être officiellement signé dans les prochaines semaines. Pour avoir le maximum d’outils à cette fin, Métro a posé quelques questions à Ari Van Assche, directeur du Département d’affaires internationales à HEC Montréal.
Qu’est-ce que cet accord va changer pour le libre-échange entre les deux parties?
On ne parle pas de changements spectaculaires, mais il va affecter le commerce, nos exportations, nos importations et les investissements directs étrangers. Par exemple, dans le secteur des aliments, des boissons et du tabac, les tarifs douaniers avec l’Europe sont en moyenne de 11%. Maintenant, ils seront en moyenne de 0%. Aussi, si tu as une entreprise qui créé une pièce d’équipement médical, aujourd’hui tu dois passer à travers un processus de certification au Canada, puis à travers un autre si tu veux commercialiser en Europe, ce qui est coûteux et difficile. Avec cet accord, tu n’auras besoin que d’une certification pour les deux.
Quels sont les avantages pour le Canada et pour l’Europe?
C’est l’accès plus facile à un marché d’un demi milliard de personnes riches, le plus grand marché du monde. Pour l’Europe, le marché est moins grand, soit 30 millions de personnes. Mais ses dirigeants trouvent important de montrer aux États-Unis, notre voisin, ce qu’ils souhaitent voir dans un accord commercial.
Est-ce que l’accord pourrait permettre à des multinationales de poursuivre des États ou des municipalités parce qu’ils ont pris des décisions de santé publique qui vont à l’encontre de leurs bénéfices?
Une chose qui est dans l’AÉCG et dans la plupart des autres accords de libre-échange est la libéralisation des investissements directs étrangers. Ce sont notamment des entreprises qui vont faire des affaires à l’étranger, qui investissent dans d’autres pays. Si elles ont la preuve qu’un gouvernement a pris des actions discriminatoires envers elles, elles peuvent le poursuivre. Mais les garanties qu’elles vont gagner sont minces. Elles doivent prouver qu’il s’agit d’une discrimination.
Il y a une opposition significative dans le secteur de l’agriculture. Quel est le traitement qui lui est réservé dans l’accord?
Il s’agit d’un secteur où les tarifs douaniers sont actuellement élevés, alors l’accord va faire une bonne différence. C’est sûr qu’il y a des gagnants et des perdants. Au Québec, si tu produits du fromage, tu auras un effet négatif, avec l’arrivée plus facile de produits européen, mais si tu es un exportateur de porc, ce sera positif.
Est-ce que l’accord pourrait entraîner la privatisation de certains services publics, comme les postes, les télécommunications ou la santé, comme le craignent certains opposants?
Il n’y a rien dans l’accord qui oblige le Canada à privatiser quoi que ce soit. Mais peut-être que la hausse de la compétition dans certains secteurs pourrait inciter le gouvernement à le faire.