Certains sont nés avec le sens du spectacle. D’autres, avec le sens politique. Quelques-uns, de façon plus rarissime, avec les deux. Le maire Coderre fait certainement partie de la dernière catégorie. Depuis toujours.
Comment oublier, par exemple, la capsule de Radio-Canada où un Coderre enfant témoignait de l’existence d’ovnis? Cette propension au show s’est éventuellement doublée d’un sens politique enviable, voire redoutable. Autoproduit des médias, Kid Coderre – son surnom depuis son arrivée à la Chambre des communes – possède en effet une rare mixité : omniprésence et art de flairer la direction du vent. D’aucuns le qualifient de populiste. D’autres de vrai politicien. Question de point de vue.
Dans la récente affaire d’espionnage du SPVM, Coderre-le-rusé a sitôt compris le sérieux de l’histoire. Et que celle-ci n’appelait aucune nuance. Sous peine de voir son rapport aux médias amenuisé, il fallait, à tout prix, prendre position en faveur de ceux-ci. Et tant pis pour ses flics. Le maire de balancer: «On peut se brasser la cage une fois de temps en temps, [mais] en 30 ans et plus de vie politique, j’ai toujours défendu la liberté de presse.» J’ai alors cligné les yeux. Pas sur le sens de l’expression «se brasser la cage», mais sur le reste. Coderre comme défenseur de la liberté de presse? Eh ben.
M’est en fait immédiatement venu en tête le nom de Daniel Leblanc, journaliste au Globe and Mail. Celui qui, du fait des cris d’alarme d’une source du nom de «ma Chouette», a réussi à déterrer, pratiquement à lui seul, le scandale des commandites [NDLR : pour ceux qui cherchent toujours l’utilité de la confidentialité des sources, eh bien voilà].
Leblanc s’intéressait, entre autres choses, aux liens unissant l’ex-ministre Coderre et deux agences de publicité impliquées dans ce scandale. D’abord, le Groupe Polygone, bénéficiaire d’environ 40M$ en contrats de commandites, pour lequel Coderre a œuvré à titre de vice-président. Ensuite, Everest et un important contrat obtenu alors qu’il était ministre des Sports. Un fonctionnaire du ministère dénonce alors l’intervention du cabinet Coderre dans le processus d’octroi…
Pressé de questions par Leblanc, Coderre réplique qu’il s’agit de «vieilles histoires». Peu impressionné, le journaliste revient à la charge et l’interroge: «Avez-vous déjà habité dans le condo des patrons d’Everest, notamment en 1997?» La réponse de Coderre : «C’est quoi c’t’estie de niaiserie-là?»
Sauf que Coderre avait effectivement séjourné dans le condo en question. À cette période précise, d’ailleurs. Le pot aux roses maintenant au grand jour, l’ex-ministre patine à reculons et plaide désormais le respect de sa vie privée. Rien n’y fait. Traqué, il sert à Leblanc et à d’autres journalistes, dont Vincent Marissal, l’avertissement suivant: «On a des moyens au gouvernement. Qu’est-ce que les journalistes diraient si la GRC mettait le nez dans leur vie privée ?»
Vous avez bien lu. Comme chevalier de la liberté de presse, il se sera vu mieux.