«Nous avons vaincu la peur.» – Camille Laurin, au soir de l’élection du Parti québécois, le 15 novembre 1976.
Ces paroles, je ne les ai jamais oubliées. Comme je n’ai jamais oublié le sourire content de mon père quand il les a entendues à la télé. Lui qui n’était pourtant pas très politisé et, selon ce que j’en sais, pas vraiment incliné vers «la cause», il venait de gagner ses élections pour la première fois. Enfin, c’est ce qu’il m’avait dit ce soir-là. Un peu contestataire sur les bords, il votait habituellement «contre», peu importe qui faisait partie de l’équipe des «contre»…
C’est 11 jours plus tard, le vendredi 26 novembre, qu’il avait pu faire la rencontre de cette équipe qu’il avait contribué à porter au pouvoir en votant «contre» le Parti libéral de Robert Bourassa. Une formation qui, 3 ans plus tôt, avait fait élire 17 fois plus de députés que le PQ en allant chercher à peine une fois et demie plus de votes. Cherchez l’erreur…
En cette fin d’après-midi d’automne était réuni autour de la grande table un impressionnant assemblage de cerveaux issus de la Révolution tranquille. Des économistes, des médecins, des journalistes, des intellectuels, des professeurs, des syndicalistes. Il y avait même deux prêtres au sein du groupe, c’est vous dire… Ils étaient jeunes. Tellement jeunes. La moitié des ministres de la promotion de 1976 avait moins de 40 ans. Les cheveux cachaient les cols de chemise, certains nœuds de cravate étaient un peu croches. À des lieues de ces clubs sélects constitués de notables et autres amis du parti auxquels les gouvernements précédents nous avaient habitués depuis toujours. Pour une fois, le changement n’était pas qu’un simple mensonge électoral: il était incarné là, en chair et en os, devant nous.
Aujourd’hui, peu importe l’option politique à laquelle on adhère, on s’accorde généralement pour dire que le premier gouvernement du PQ sous René Lévesque fut probablement le meilleur groupe jamais appelé à diriger les destinées du Québec.
Bien sûr, dans la suite des choses, tout ne fut pas parfait. Bien sûr qu’on a fini par être déçu, c’est toujours comme ça. Bien sûr qu’à l’époque, on ignorait que le ministre des Affaires intergouvernementales, Claude Morin, était sur la liste de paie de la GRC. D’ailleurs, René Lévesque ne le savait pas plus que nous, ce qui reste à la fois rassurant et totalement affolant. Bien sûr que ci, bien sûr que ça…
Sauf qu’un jour, l’espoir de faire les choses autrement est passé faire un tour par chez nous. Et ce moment-là, on ne l’a jamais revécu ensuite. Jamais. Chez les péquistes comme chez les libéraux.
Rendu à mon âge, incidemment le même que mon père en 1976, je rêve de vivre un autre moment où on saura que les choses ne seront plus jamais tout à fait pareilles. J’en rêve, mais j’ai des doutes. Des sérieux doutes.
Suis-je nostalgique? Ben quin… Parfois, on a comme pas beaucoup le choix.
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Vu: Pourquoi tu pleures? l’ultime création des Éternels Pigistes écrite par Christian Bégin et mise en scène par Marie Charlebois. L’expression consacrée dit que ça arrive dans les meilleures familles. Dans ce cas-ci, on dira que c’est arrivé dans la pire des familles. Détail plutôt troublant: il y a 99% des chances que cette famille – aussi odieuse soit-elle – ressemble étrangement à la vôtre…
Des personnages tout aussi poqués qu’impitoyables, des dialogues assassins, une distribution parfaite (de belles retrouvailles avec Sophie Clément et Pierre Curzi) – ce spectacle est un incontournable. C’est présenté au TNM jusqu’au 10 décembre.
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À lire: Le gouvernement Lévesque – de la genèse du PQ au 15 novembre 1976 de Jean-Charles Panneton aux éditions du Septentrion. Parce que pendant les huit années qui ont précédé l’arrivée au pouvoir du premier gouvernement péquiste, c’est fou combien il s’est passé plein de choses. Un récit fort intéressant.
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Comme ça, on pose de la tourbe pendant la première tempête de neige de l’année à Montréal. Va falloir faire attention, s’il fallait que la ville décide de sortir les souffleuses lors du prochain Festival de Jazz, ça risquerait d’être très dangereux pour la foule…
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Salutations distinguées au juge Guy Cournoyer qui a imposé un délai de 20 ans à Richard Henry Bain avant qu’il ne puisse soumettre une demande de libération conditionnelle. Y’a parfois des jours où je me réconcilie avec notre système de justice…