Comment décrirait-on l’humour de Rosalie Vaillancourt? Hmm. Un brin engagé mais surtout irrévérencieux. Celui de Claudine Mercier? On peut dire qu’elle excelle dans les personnages. Cathy Gauthier? Humour (de moins en moins) vulgaire, tendance anecdotes de banlieue. Virginie Fortin? Stand-up. Maude Landry? Humour absurde. Mais pour Juste pour rire, tout ça, c’est peut-être juste de l’humour de femmes.
L’organisation vient de dévoiler les dates de ses prochains galas, dont le thème général est «décortiquer les composantes du rire». On y trouve les thématiques suivantes: personnages, engagé, absurde, stand-up, raconteurs, et… féminin.
Mais qu’est-ce c’est que cet humour féminin, qui aurait en commun Katherine Levac, Lise Dion, Mariana Mazza et Clémence Desrochers? On nous dit que c’est pour refléter «la grande place des femmes en humour». Lors d’une soirée récente dans un cabaret d’humour, il y avait plus d’hommes faisant des jokes de gars qui se rend au gym contre son gré (3) que de filles (1). Peut-être faudrait-il alors un gala sur les gars qui vont au gym, étant donné qu’ils prennent une si grande place dans l’humour québécois? Lors de cette même soirée, trois hommes parlaient de leur cueillette forcée – par leur blonde – de fruits d’automne (pommes: 2, courges : 1): peut-être aussi envisager de programmer un gala en automne, puisque la thématique semble si porteuse?
Dans un courriel envoyé par Juste pour rire aux humoristes et qu’une source anonyme m’a fait parvenir, on se fait rassurant: «Très important: ce gala n’aura rien d’une soirée de “fifilles”! Tout le monde peut proposer un texte pour ce gala», poursuivant que les filles, quant à elles, ne seront pas obligées de parler de menstruations. Fiou! Le courriel continue avec des suggestions de numéros, dont celle-ci, sur la culture du viol: «Les hommes priés de se montrer discrets dans une manifestation sur la culture du viol: non-sens». Parce que tant qu’à proposer des sujets de numéros, pourquoi ne pas proposer l’angle directement? Mais pas un angle trop «fifille», là, ni trop féministe: le numéro sur le sable dans la vagin a déjà été fait. Non: pour faire changement, un point de vue qui souligne comment au fond, dans la culture du viol, c’est les hommes encore une fois qui font pitié. Autrement dit, ce gala «féminin» n’est pas vraiment réservé aux femmes, aussi maladroit cela aurait-il pu être. Il fait aussi de la place aux hommes qui voudraient rire des filles, comme si le sujet n’était pas déjà assez exploité.
On pourrait saluer l’initiative de Juste pour rire de faire plus de place aux femmes en humour si ce n’était de ce courriel, qui a de quoi inciter davantage les filles à abandonner l’humour que de proposer un numéro sur la masturbation. Compte tenu de la vilaine tendance de Juste pour rire à relayer les femmes au second plan, on peut aussi douter de la bonne intention. Encore une fois cette année, l’animation d’aucun gala n’a été confiée à une femme. Quand ça a été le cas dans les années précédentes, celles-ci étaient généralement accompagnées d’un homme (pour éviter que ça passe pour un gala de «fifilles», j’imagine). On peut supposer que l’animation du gala des femmes fera exception, mais c’est encore drôle: il s’agit du seul gala dont l’animation n’est pas encore annoncée. On se part un pool de prédictions? Je soumets Jean-François Mercier.
On ose aussi espérer que cette place de prestige (ça, c’est la composante ironique de l’humour) accordée aux femmes ne les privera pas de se produire sur les autres galas, en tant qu’humoristes de stand-up ou d’humour absurde à part entière, dans un ratio magnanime – si le passé est garant de l’avenir – d’une ou deux femmes par gala. Toujours, bien sûr, pour refléter la grande place que prennent les femmes en humour.