Lundi, midi et 10. J’écoute les nouvelles, pis j’ai les yeux mouillés. Ça doit être la fatigue, j’ai travaillé à la radio la nuit passée. Et la nuit d’avant, et l’autre nuit d’avant aussi. Même si j’en ai l’habitude, ça finit parfois par me rentrer dedans. Dimanche soir à Québec, une couple d’heures avant que j’entre en ondes, l’horreur a pris toute la place. Et mon dernier quart de nuit du week-end a été particulièrement éprouvant.
Une chance, un chum est venu me donner un coup de main pour passer à travers. Pendant que je réchauffais le micro, lui, il fouillait les infos, couraillait les clips, appelait les journalistes sur le terrain. Dieu merci, tant professionnellement qu’humainement, je n’étais pas seul. Là, quelques heures plus tard, assis devant mon ordi, je le suis. Absolument seul et plutôt triste. C’est ce qui arrive quand le rush d’adrénaline s’estompe et que le mal est fait.
Pour être franc avec vous, ça fait une grosse semaine que ça file pas fort. Je regarde aller le président fou des États-Unis qui combat ses problèmes de régularité en chiant des décrets puants et je ne comprends toujours pas comment on a pu lui donner autant de pouvoir. Je ne peux pas croire que c’est lui qui a été choisi pour s’attaquer «aux vraies affaires», comme plusieurs semblent encore le croire. Décourageant. L’atmosphère est lourde, l’air est rare, on étouffe…
Dans le contexte actuel, alors qu’on est plutôt concentrés sur ce qui se passe chez nos voisins d’en bas, on ne s’étonnera pas que la tragédie de Québec nous ait pris par surprise.
Pas parce que de tels actes ne devraient pas se produire chez nous. Pas parce que nous, nous devrions être au-dessus de tout ça. Non, ce drame nous a pris de court parce qu’on ne s’habitue pas, et j’espère qu’on ne s’habituera jamais, à ce genre d’écœuranterie. Ainsi, les drames de la Polytechnique, du collège Dawson et de l’Assemblée nationale en 1984 ne doivent pas servir à nous préparer au pire. Parce que si on passe son temps à attendre le pire, on ne vivra pas. Et il faut vivre. Vivre ensemble. En essayant de s’organiser du mieux qu’on peut. En mettant systématiquement sur la table ce qu’on a de meilleur à offrir en partage. Je réclame le droit à la paix et même à une certaine candeur. Est-ce trop demander? Dimanche soir, à Québec, y’en a encore un qui nous a privés de ça.
Aujourd’hui, oui, j’ai de la peine. Et en même temps, ma colère est infinie. Je ne ferai pas de liens, je n’essaierai pas de comprendre et encore moins d’expliquer ce qui peut se passer dans la tête de quelqu’un qui commet, en son seul nom, un acte aussi dégoûtant.
Aujourd’hui, tout ce que je peux faire, c’est offrir mes sympathies aux personnes éprouvées par le drame. De près ou de loin. Ça commence à faire pas mal de monde…