QUÉBEC — Au-delà des débats partisans, les députés de l’Assemblée nationale ont réussi à adopter une quarantaine de lois en 2017, tentant de résoudre plusieurs enjeux et contribuer au progrès social. Coup d’oeil sur le bilan législatif du gouvernement, le travail des députés d’opposition et sur ce qui nous attend en 2018.
Lois adoptées
La loi 62 devait mettre fin à plus d’une décennie de débats acrimonieux autour des accommodements religieux au Québec. Bien qu’elle ait été adoptée le 18 octobre dernier, et qu’elle s’applique aujourd’hui, la législation — qui prévoit notamment que tous les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert — est contestée devant les tribunaux par des groupes qui soutiennent qu’elle brime leur droit à la liberté religieuse. Son article charnière a été suspendu le temps que le gouvernement publie les «lignes directrices» qui viendront préciser, cette année, les accommodements possibles.
Parmi les autres lois sociales votées, notons la loi 99 qui resserre l’encadrement dans les centres jeunesse afin de prévenir les fugues et l’exploitation sexuelle des jeunes, la loi 113 qui donne aux personnes adoptées plus d’informations sur leurs origines, et la loi 115 qui vise à lutter contre la maltraitance des aînés.
La loi 151 visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur a été adoptée à la vitesse grand V; le gouvernement a aussi tenu un forum sur la question en décembre dernier, durant lequel il a annoncé qu’il rehaussait le financement qu’il accorde aux organismes d’aide aux victimes d’agression sexuelle, et qu’il rendait obligatoire le cours d’éducation sexuelle de la première année du primaire à la cinquième secondaire, et ce, dès la rentrée scolaire de 2018.
Le ministre des Affaires municipales et de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a été particulièrement actif; il a fait adopter en 2017 la loi 121 augmentant l’autonomie et les pouvoirs de la Ville de Montréal, la loi 122 qui reconnaît les municipalités comme gouvernements de proximité, et la loi 133 obligeant les policiers et les constables spéciaux à porter leurs uniformes au travail.
En plus de gérer les inondations, le ministre a mis sur pied un projet pilote pour la réouverture d’enquêtes de nature sexuelle, et a posé les jalons pour tenter de redresser la situation au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), en confiant la gestion de ce service à Martin Prud’homme de la Sûreté du Québec (SQ).
En santé, un million de Québécois de plus ont trouvé un médecin de famille grâce à l’entente sur la loi 20, qui fixait, en 2015, des cibles à atteindre au 31 décembre 2017 (taux d’inscription de 85 pour cent et taux d’assiduité de 80 pour cent). Au dernier décompte, le taux d’inscription se situait aux alentours de 79 pour cent, tandis que le taux d’assiduité était de 83,4 pour cent.
Le gouvernement prétend par ailleurs que sa loi 130 impose des obligations professionnelles qui permettront de venir à bout des problèmes d’organisation clinique, tandis que la loi 148 aiderait à réduire le coût des médicaments. L’opposition a été particulièrement efficace auprès du ministre Gaétan Barrette, en l’exhortant de payer un deuxième bain aux personnes en CHSLD, et d’ajouter 22 ambulances sur le territoire québécois.
En éducation, la loi 143 vise à améliorer la qualité des services de garde et rehausser la sécurité dans les services non régis, et la loi 144 garantit à tous les enfants — qu’ils soient demandeurs d’asile, sans papiers ou autres — l’accès à l’école publique. Cédant à la pression de l’opposition, le gouvernement a offert dans sa mise à jour économique 100 $ par enfant pour l’achat de fournitures scolaires.
Retenons par ailleurs l’adoption de trois lois à saveur économique: la loi 108 créant l’Autorité des marchés publics, la loi 134 visant à moderniser les règles relatives au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de service de règlement de dettes, les contrats de crédit à coût élevé et les programmes de fidélisation, et la loi 137 qui créé le Réseau électrique métropolitain (REM).
Ce projet de transport collectif devrait voir le jour à Montréal d’ici 2021. Le REM reliera les banlieues de Brossard (Rive-Sud), Sainte-Anne-de-Bellevue (Ouest de l’Île) et Deux-Montagnes (Rive-Nord), ainsi que l’aéroport Montréal-Trudeau à la gare centrale de Montréal au centre-ville.
Une loi spéciale
Le débat au printemps 2017 entourant les conditions de travail dans l’industrie de la construction s’est soldé par une loi spéciale, la cinquième du gouvernement Couillard depuis le début de son mandat en 2014. La loi 142 a donc assuré la reprise des travaux dans l’industrie de la construction et renouvelé les conventions collectives.
En processus d’adoption
Le processus d’adoption de la loi 107, qui vise à accroître la compétence et l’indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption, doit se poursuivre dans les prochains mois. La pièce législative est à manier avec délicatesse et prudence à la lumière des récentes controverses à l’Unité permanente anticorruption (UPAC): elle a arrêté le député Guy Ouellette en octobre dernier sans déposer d’accusation, et a dû récemment se débarrasser de son numéro deux, aux prises avec des allégations de courtage illégal.
Le ministre Coiteux a d’ailleurs déposé un amendement au projet de loi, qui a été bien accueilli, pour instaurer un comité de surveillance composé de trois membres indépendants, qui vérifierait l’administration des enquêtes au sein de l’UPAC.
Celle-ci continue d’ailleurs de mener l’enquête Mâchurer, qui porte sur le financement politique et le Parti libéral du Québec (PLQ) du temps où il était dirigé par Jean Charest.
Sur la voie de garage
Les Québécois attendent toujours la législation sur les chiens dangereux pourtant promise à l’été 2016 par le gouvernement Couillard. Le projet de loi 128, qui a été présenté en Chambre au printemps 2017, pour être aussitôt tabletté, obligerait les municipalités et vétérinaires à signaler les chiens dangereux. Le gouvernement avait promis d’interdire par décret les chiens de type pitbull.
Mais l’administration de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, semble plutôt réfractaire à ce type de mesure. Elle-même entame une réforme du règlement sur le contrôle animalier à Montréal, pour que la métropole devienne une ville «plus accueillante» aux yeux des propriétaires d’animaux.
Les élus à l’Assemblée nationale ont aussi mis au rancart le projet de loi 79, qui aurait amélioré leurs propres conditions de travail. Ce projet de loi donnait suite au rapport du comité indépendant L’Heureux-Dubé, qui faisait passer le salaire de base des députés de 90 850 $ à 140 017 $, en faisant disparaître les allocations non imposables. Il proposait aussi d’augmenter la part de cotisation des députés à leur régime de retraite de 21 à 41 pour cent.
Se sentant en terrain glissant, les députés attendront aussi avant d’augmenter leur salaire pour compenser la future imposition par le fédéral de leurs allocations de dépenses.
À venir en 2018
La pièce maîtresse de 2018 sera sans aucun doute la loi 157, qui constituera la Société québécoise du cannabis (SQC). Le gouvernement Couillard n’a d’autre choix que de légiférer avant le 1er juillet 2018, jour où la drogue sera légalisée par Ottawa. Le projet de loi 157 prévoit donc que le cannabis sera vendu par une nouvelle filiale spécialisée de la Société des alcools du Québec (SAQ), qu’il sera interdit d’en faire pousser chez soi et que ce sera tolérance zéro en matière de conduite automobile. L’âge légal au Québec pour consommer sera de 18 ans.
Les consultations publiques se poursuivront au cours des prochains mois, la ministre responsable du dossier, Lucie Charlebois, se disant tout à fait ouverte à améliorer le projet de loi.
Allant de pair avec une loi sur le cannabis, un Code de la sécurité routière plus costaud: la loi 165 permettra au ministre des Transports, André Fortin, de resserrer les règles sur le réseau routier pour tenter, entre autres, d’éliminer les distractions au volant causées par les appareils électroniques, et punir sévèrement les récidivistes de l’alcool au volant. Lorsque la loi s’appliquera plus tard cette année, on interdira aussi aux apprentis conducteurs de conduire la nuit.
Signe que le Québec est en année électorale, le gouvernement Couillard espère l’adoption rapide du projet de loi 166 qui réformerait le système de taxation scolaire et accorderait des baisses de taxes à tous les Québécois, dans toutes les régions, à divers degrés. De l’aveu du ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, les régions gagnantes une fois la réforme entamée seront l’Outaouais, les Laurentides, l’Abitibi-Témiscamingue et la Capitale-Nationale.
Québec entend aussi réviser la Loi sur les normes du travail, afin de faciliter la conciliation travail-famille-études et d’améliorer la qualité de vie des salariés. On pourrait y retrouver entre autres des propositions d’horaires plus flexibles, ainsi que de plus longs congés pour les parents. La dernière révision de cette loi remonte à 2002. On avait notamment fait passer de cinq à 10 le nombre de jours de congé, sans salaire, pour obligations familiales.
L’Assemblée nationale doit aussi adopter en 2018 le projet de loi 140, qui fera perdre des privilèges aux futurs ex-premiers ministres du Québec. On cherche ainsi à éviter que leur train de vie adopté après avoir quitté la politique paraisse excessif aux yeux des contribuables. Les privilèges dont ils pouvaient bénéficier durant les trois années suivant leur départ de la vie politique vont donc prendre fin à l’avenir après seulement un an.