Samedi, dans l’auto, en route pour un repas au resto en famille, ma conjointe m’a demandé si je savais sur quel sujet j’allais écrire pour la chronique d’aujourd’hui. Pas vraiment, ai-je répondu. Eh bien, tu devrais écrire sur cette histoire de «madame et monsieur», m’a-t-elle lancé. «Sais-tu que les représentants du gouvernement fédéral n’ont plus le droit d’utiliser ces titres de civilité dans leurs communications avec les citoyens?»
Elle était très offusquée, vraiment offensée, il fallait l’entendre… C’est quoi, ce délire? On n’a plus le droit de dire «monsieur» ou «madame», maintenant? Mais où va le monde?
Quand même. Nous vivons dans une ère fabuleuse où l’indignation est facile et l’exaspération, très banale. Un rien nous fait monter sur nos grands chevaux. Nous nous agaçons de tout et nous nous indignons tout le temps. Un statut Facebook, un tweet, une fausse nouvelle, une dépêche, une déclaration publique… Tout est prétexte pour nous maintenir dans une sorte d’état d’indignation permanente. On dirait que ça nous ennuie de passer une journée sans trop nous indigner de quelque chose, contre quelqu’un, pour une cause, envers et contre tous. Nous sommes investis d’une mission divinement citoyenne. Ne rien laisser passer, même si on ne sait pas, même si on ne comprend pas. Indignons-nous d’abord. Nous essaierons de comprendre après. Ou pas.
J’ai toujours travaillé à des endroits où régnait une grande diversité d’origines ethniques et culturelles. Dans mes communications écrites, par courriel, il m’est parfois arrivé de penser qu’une personne était une femme tout simplement parce que son nom sonnait féminin, et vice-versa. Comme quiproquo, ce n’est pas très plaisant, je me sens plutôt mal quand ça m’arrive. C’est pourquoi j’ai appris à ne plus rien supposer. Dans le doute, avant de m’adresser à une personne, je me fais un devoir de demander à un collègue qui la connaît s’il s’agit d’une femme ou d’un homme…
J’imagine que cette situation, beaucoup d’employés de Services Canada la vivent tous les jours, compte tenu de la diversité de la population canadienne, et que, pour certains, il est quasi impossible de déterminer le sexe d’un citoyen juste par son nom. Ainsi, dans le doute, ils doivent vérifier que la personne à laquelle ils s’adressent souhaite être appelée «monsieur», «madame», «mademoiselle» ou autre? Je ne vois pas du tout de problème. Il n’a d’ailleurs pas été question d’interdire ces mots. Il faut tout simplement être poli, ne pas présupposer et respecter les choix d’identité des citoyens, qui ne sont plus aussi binaires qu’ils l’étaient il y a 50 ans.
Il nous faut arrêter de succomber à la manipulation, délibérée ou non, des écervelés des médias sociaux et des gourous faiseurs d’opinions des médias. Comprendre avant de parler, saisir avant d’agir. Vérifier et contre-vérifier. Ce n’est pas toujours facile dans ce monde de surabondance des opinions et d’indignation permanente.
J’aurais préféré écrire sur la manifestation des jeunes contre les armes à Washington. Ça, au moins, c’est de l’indignation nécessaire. Mais bon, chez nous, c’est ma conjointe qui décide.