Appliquer la règle du plus bas soumissionnaire aux contrats d’ingénierie et d’architecture des grands projets immobiliers et routiers est une hérésie, selon deux associations professionnelles qui sonnent l’alarme.
Cette sortie publique se fait dans le cadre de l’étude d’un projet de règlement qui viendrait modifier la Loi sur les contrats des organismes publics. Deux petits articles à première vue anodins pour le commun des mortels ont retenu l’attention de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ) et l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG). Il s’agit de modifications qui permettraient au ministère des Transports du Québec et à la Société des infrastructures du Québec (le bras immobilier du gouvernement) de changer les règles d’octroi des contrats.
«En termes simples, le gouvernement souhaite privilégier le prix le plus bas au détriment de la qualité. Or, l’octroi de contrats sur le plus bas prix ne devrait jamais être utilisé pour les services professionnels d’architecture et de génie-conseil. […] Identifier la meilleure solution pour chaque projet implique de mobiliser les meilleures ressources disponibles; pas les moins chères», écrivent dans une lettre ouverte une trentaine de présidents d’associations, d’ordres professionnels et d’universités liés aux domaines de l’ingénierie, de l’architecture et de l’environnement.
Les signataires rappellent que cette modification réglementaire renverserait la décision de resserrement des règles prise après la chute du viaduc de la Concorde en 2006. «Faudra-t-il une autre tragédie semblable pour nous rappeler que la durabilité des infrastructures pour la population et l’environnement ne peut faire l’objet de compromis?», ont déclaré dans un communiqué de presse Lyne Parent, directrice générale de l’AAPPQ et André Rainville, président-directeur général de l’AFG.
Ces derniers soulignent que les coûts de la malfaçon que pourrait engendrer la règle du plus bas soumissionnaire seraient bien plus élevés que les gains réalisables étant donné que les services de conception offerts par les ingénieurs et les architectes ne représentent que 2% du coût des grands projets.
Ce projet de règlement a été déposé le 27 juin. Une période de 45 jours étant prévue pour faire des commentaires, soit jusqu’à la fin de la semaine. Le nouveau règlement n’aura qu’à être adopté lors d’une séance du conseil des ministres pour entrer en vigueur. Ce pourrait donc techniquement être le cas, même si l’Assemblée nationale est dissoute en prévision des élections générales du 1er octobre.
En entrevue au Journal de Montréal, le ministre responsable du dossier Robert Poëti a assuré que ces nouvelles dispositions réglementaires seront l’exception et non pas la règle et que globalement les nouvelles mesures proposées visent à augmenter la probité des entrepreneurs et l’accès aux contrats publics pour les plus petits cabinets d’architecture et d’ingénierie. Ce dernier commentera le dossier en marge d’une conférence de presse à Montréal vendredi à laquelle il sera présent.