2008. Quelques années à peine après son entrée dans la zone euro de l’Union européenne, la Grèce, sur le plan financier et ensuite économique, s’écroule. Un vrai désastre. Un taux de chômage titanesque. Une dette qui l’est encore plus.
Les prêteurs nationaux et internationaux se dégonflent, poussant ainsi le pays au bord de la faillite technique. Au pied du mur, ce dernier supplie Bruxelles de lui venir financièrement en aide, une première dans l’histoire de la jeune union. Cela, évidemment, assorti de conditions strictes. Un plan de redressement, en bonne partie fixé par les ministres des Finances de la zone euro, devra être suivi par Athènes.
Sauf que la Grèce, au contraire du Portugal, de l’Irlande et de Chypre, tous trois aussi futurs bénéficiaires de plans de redressement, peine à s’en affranchir. Jean Quatremer, de Libération, identifie quelques causes expliquant les déboires du cancre. La meilleure, selon lui? La Grèce n’aurait jamais dû être acceptée dans ladite union. Parce que son économie était d’ordinaire trop vacillante. Idem pour son déficit public, alors astronomique, lequel a d’ailleurs amené le pays à mentir sur son état réel afin de convaincre ses futurs partenaires de la zone euro. De la fausse représentation, donc.
Ce qui allait s’ensuivre serait, et c’est un euphémisme, souffrant. Après quelques années de tiraillements avec le gouvernement précédent, Bruxelles a finalement mis au pas le gouvernement d’Alexis Tsipras, d’obédience social-démocrate, afin que ce dernier applique in extenso les réformes de l’Eurogroupe.
Résultat? Croissance dans le tapis et chômage en net recul. Au point où, à partir de mardi prochain, le pays de Dionysos se sera enfin libéré du plan de redressement, son troisième. Devrait-on conclure à une néo-pâmoison économique et fiscale? Pas encore. En fait, dès 2023, la dette contractée auprès des instances européennes devra être graduellement remboursée. Un des obstacles? La dette globale d’Athènes atteint aujourd’hui les… 178% du PIB. La pognez-vous?
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Et sur place, c’est comment? C’est parfait. Juste parfait. Du fait de la semi-libération financière ci-haut expliquée? Pas tant. De ce qu’on m’explique, le calme, la zénitude et l’hédonisme grecs se sont maintenus même au plus fort de la crise. Des t-shirts arborent encore des messages de type: «No money? No job? No problem.» D’une nature inexorablement cool, les habitants de la Grèce seraient passés à travers ladite crise quasi-sourire aux lèvres, insouciance qui, avouons-le, contraste nettement avec le stress nord-américain classique.
Le mieux? Cet état de grâce s’exprime autant à Athènes, capitale bien garnie accueillant annuellement 32 millions de touristes, qu’à Hydra, microscopique île mythique de 2 000 habitants où seul le dos d’âne fait figure de transport individuel et collectif. Celle-ci, à vrai dire, constitue assurément mon coup de cœur. À vie, peut-être. On peut comprendre, au moment même où on y dépose les pieds, pourquoi Leonard Cohen, poète sans le sou et romancier wannabe, y avait alors élu domicile. Et pourquoi il y a conservé une propriété magique toute sa vie. Parce que cette île incarne, en un sens, une partie substantielle de son œuvre musicale : mysticité, esthétisme et philosophie. Un théâtre grec sans son aspect tragique, en bref.